« Je reviendrai. Je ne sais pas encore quand, ni comment, mais je reviendrai.» Cela faisait maintenant trois heures que je répétais ces mots aux oreilles de ma mère et de mes frères. Trois heures sans interruption, j'aurai eu soif si je n'étais pas morte. J'aurai été à bout de souffle si je n'étais pas morte. Mais je l'étais, depuis 3 heures. Je voulais que ces paroles pansent leurs blessures, rassurent leurs cœurs et leurs âmes. Je ne supportais pas de les voir aussi tristes, désemparés, encore une fois. À cause de moi. La culpabilité me rongeait déjà, et je doutais. Avais-je fait le bon choix ? Alors je criais, de toutes mes forces « Je reviendrai. Je ne sais pas encore quand, ni comment, mais je reviendrai. » Rien n'y faisait, ils restaient là, debout, statiques, tel des statues, le regard à la fois dur et vide. Le genre de regard si vide, mais en même temps si emplein de tristesse, qu'on ne trouve que chez les personnes qui ont tout perdu. Ce genre de regard rempli d'ombres et de blessures, de fêlures et de fantômes. On avait pourtant quitté la cérémonie depuis plus d'une heure, mais rien ne semblait pouvoir les tirer des ténèbres dans lesquelles je les avais plongés. Et je m'en voulais. Cette culpabilité aller me rendre folle. Chacune de leur respiration me heurtait, me lacérait le cœur. J'aurais voulu fuir tout ça, revenir en arrière, mais je ne pouvais pas. Ce choix me dépassait. Je n'avais pas eu le choix. On m'avait dit que ma mort pourrait sauver les gens que j'aimais, alors j'étais morte. Aussi simplement que cela.
Nous nous étions pourtant déjà retrouvés dans cette situation, plus de fois que je ne pouvais me souvenir. Tant de deuils, tant d'enterrements. Nous avions connus plus de morts que de naissances. Mais cette fois-ci tout était différent. Le contexte, la cause, les tenants et les aboutissants. Tout nous criait que ça n'irait pas, que ça n'irait plus, ou du moins que rien ne serait plus jamais comme avant. Comment reprendre notre vie normale après tout ça? Comment espérais reprendre le cours de sa vie ? Les villageois, tous en tenue de circonstances ne cessaient de nous juger, même s'ils savaient que, si nous avions fait cela, ce n'était pas par pur plaisir. Ils pouvaient bien juger, le mal était fait. Peut-être nous remercieraient-ils un jour? Rien n'étais moins sûr. Nous avions décider d'enfreindre une des règles les plus importantes de notre communauté. Nous avions joué avec la mort. Si les choses ne fonctionnaient pas comme le sorcier l'avait annoncé, ma famille serait maudite pour le restant de son existence, à travers toutes les générations.
En rentrant plus de quatre heures après la cérémonie, ma mère avait préparé le déjeuner, comme à son habitude. Chacun avait mangé son assiette, comme à son habitude. Plus tard, mes frères étaient retournés travailler aux champs, comme à leur habitude. Sur conseil de Numeros, le sorcier, ma famille avait finalement repris le chemin de la normalité. Il les avaient informés qu'il fallait autant que possible vivre de façon normale pour que les ombres de nos ennemies de parviennent pas jusqu'à nous. Alors ma mère et mes frères s'était résignés. Ils faisaient comme si rien ne s'était passé, ni aujourd'hui, ni aucun autre jour. La vie avait ainsi repris son cours, 6 heures après ma mort, le temps s'écoulant paisiblement, la vie passant, inexorablement. Lorsque la nuit était tombée sur la chaumière, tous les membres de la famille avaient rejoint leurs lits, exténués par la journée qu'ils venaient de passer. Aucun d'eux n'osait parler de moi. Aucun d'eux n'osait essayer de me parler.
Le soleil venait de se lever lorsque Numeros vint présenter ses hommages à ma famille. Il avait apporté avec lui un sac d'herbes médicinales, en cadeau, afin de respecter nos coutumes. À défaut de soigner le mal qui rongeait mes proches, elles auraient au moins l'avantage de les faire dormir profondément, loin des cauchemars.
Il discuta quelque temps avec ma mère puis me fit discrètement signe de le suivre dehors. Les sprciers erraient entre les mondes, mort et vie. Numeros été ainsi le seul habitant du village à pouvoir me voir. Nous nous assîmes et nous regardèrent plusieurs minutes avant de pouvoir se parler. Il s'en voulait de me mettre au pied du mur, ne me laissant que le choix du sacrifice. Je m'en voulais d'avoir accepté aussi vite et de ne pas y avoir réfléchi plus longtemps. La faute aux livres que j'aimais tant lire, ceux dans lesquels de vieux sorciers viennent frapper à votre porte un beau jour et vous emmène dans une aventure incroyable. Cela m'apprendra à rêver encore comme une enfant à 22ans.
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Je reviendrai ...
ParanormalLe combat d'une vie pour revenir auprès de sa famille. Un présage funeste au fond d'un verre. Une prophétie poussiéreuse sur fond de magie désuète. Un destin macabre.