Un stage immersif

2) Nouveau projet de vie

Maman et moi venons de rentrer de faire des courses et commençons à préparer le repas quand elle m'annonce quelque chose d'inattendue :

J'ai décidé de faire autre chose comme travail.Ah bon, tu ne veux plus être infirmière ? demandé-je étonné.Si, c'est un métier que j'aime, mais en ce moment je ne trouve pas un poste qui me plaît. Et puis j'ai envie d'essayer autre chose.Comme quoi par exemple ? Qu'est-ce que tu voudrais faire ? Tu sais déjà ?Oui, j'ai un peu réfléchi, et c'est pour ça que je t'en parle, j'ai besoin que tu sois d'accord.Tu me fais peur, dis-je quelque peu inquiet.Mais non, me répond maman amusée, tu n'as pas à avoir peur.

Maman m'explique alors qu'elle a envie d'accueillir des enfants à la maison, que l'on appelle ça être une famille d'accueil. Elle me raconte qu'une amie à elle faisait ça et lui avait raconté comme c'était très gratifiant, et que cela lui était toujours resté dans un coin de sa tête.

C'est donc pour ça que j'ai besoin d'avoir ton accord, me dit-elle en me prenant mes mains dans les siennes. Cela voudrait dire que nous aurions quelqu'un en plus à la maison, qu'il partagerait notre vie.Mais il resterait combien de temps ?Je n'ai pas trop de détails, mais cela peut aller de quelques jours à plusieurs mois je pense.Mais pourquoi ces enfants vont dans des familles qui ne sont pas les leurs ?Ces enfants peuvent avoir été violentés, battus, ou alors que leur famille passent une période difficile où il est préférable d'éloigner ceux qui sont le plus vulnérables.Et ces enfants ont quel âge ?C'est à nous de décider. On peut dire que l'on accepte des bébés ou pas, et aussi jusqu'à un certain âge, 13 ou 15 ans par exemple.Cela pourrait être sympa d'avoir un garçon de mon âge, dis-je pensif.Je me doutais que ce côté là pourrait te plaire, me répond maman. Cela pourrait être un copain pour toi oui. Je me rappelle du temps où tu nous réclamais un frère à ton papa et moi.

Nous continuons notre conversation un bon moment. Je pose tout un tas de questions et maman tente d'y répondre et surtout de me rassurer quant au fait que cela ne changera rien entre nous deux. Elle me dit que si cela se passait mal avec un enfant, qu'il serait toujours possible d'arrêter de le prendre avec nous à la maison.

C'est vraiment rassuré et même heureux que je termine par lui répondre que je veux bien que nous soyons une famille d'accueil. Heureux car il est vrai que j'ai toujours regretté de ne pas avoir eu de frère.

Parfait, me dit maman. Je vais aller me renseigner de manière plus précise alors. Je sais qu'il y a une association pas très loin qui s'occupe de cela.

Deux ou trois semaines passent pendant lesquelles nous vivons notre vie. Je ne sors pas beaucoup même si maman me force un peu. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de rencontrer du monde et cela me manque d'avoir des copains. J'ai presque hâte que ces grandes vacances se terminent.

Ce soir, maman est allée à une réunion d'informations.

Alors ? La questionné-je en la voyant arriver à l'appartement.Cela va être plus compliqué que je ne l'imaginais, me répond-elle, le visage un peu fermé.Pourquoi ça ?

Elle me raconte alors que faire famille d'accueil intéresse beaucoup de monde et qu'il y a plus de candidatures que d'enfants à accueillir. Il est nécessaire de faire tout un dossier, expliquant ce que l'on peut apporter à un enfant. Il faut faire des photos, prouver que l'on parle apporter un vrai environnement à des enfants, appeler des témoignages, avoir un logement adapté. Notre dossier passe ensuite en commission et quelqu'un vient vérifier tout ce que l'on a écrit.

Plus maman me raconte, plus je me dis que cela peut effectivement prendre du temps. D'ailleurs maman me le confirme en me disant que cela peut prendre plusieurs mois.

C'est pas grave maman, dis-je souriant, il faut faire ce dossier ! On va faire ça ensemble, et ça prendra le temps qu'il faudra.Tu es gentil, me répond-elle souriante. Je suis d'accord avec toi, on le fait. Et s'il faut que je trouve un petit boulot en attendant, je le ferai.

Maman continue par m'expliquer plus en détails comment cela fonctionne. Elle m'explique que c'est un système par points, et que plus on en a, plus notre dossier est mis en avant par rapport aux autres.

Le fait que tu sois infirmière peut faire gagner des points ? Demandé-je.Tout à fait oui. Le fait que nous ayons une chambre en plus aussi, tout comme un jardin.Est-ce qu'il y a des choses qui font perdre des points ?Oui... le fait que je sois seule à t'élever.Bon, dis-je sérieusement, ce soir on te trouve un homme sur une application de rencontre, demain tu manges avec lui au restaurant, et après-demain tu l'épouses.

Maman éclate alors de rire et s'ensuit un fou rire qui dure un bon moment. C'est avec des larmes de rire que nous continuons à lister nos points forts et points faibles.

Et moi ? Questionné-je intrigué. Je suis quoi ?Un point fort, me répond-elle. Le fait d'avoir un environnement avec d'autres enfants est un atout.Parfait. Et concrètement, sur quoi pouvons-nous agir pour gagner des points ?Nous pouvons et devons améliorer l'appartement : équiper la chambre d'un lit, de décorations, de jouets. Nous devons aussi terminer de vider vos cartons qui traînent encore, arranger le jardin pour qu'il soit plus accueillant. Il faut que nos photos montrent un environnement où tout est propre et bien équipé.Ok, dis-je, ça, ça peut ne pas être trop long. Tu parlais de témoignages, ça aussi ça peut être rapide. Tu peux demander à tes amis de te faire des courriers non ?Tout à fait, me répond maman souriante et certainement heureuse de mon implication.Qu'est-ce qu'il y a d'autres encore ?

Je vois alors maman se refermer un peu et prendre un visage plus triste.

Dis-moi, dis-je, je suis grand, tu peux me parler.He bien... il y a effectivement quelque chose à laquelle j'ai pensé et qui serait effectivement très bénéfique à notre dossier...À t'écouter, dis-je inquiet, j'ai l'impression que cela ne va pas me plaire.Cela te concerne effectivement.

Maman m'explique alors que dans les critères qui rapportent le plus de points, il y a avoir un enfant avec un handicap.

Et en quoi cela me concerne ? Lui demandé-je pensif.Cette association est spécialisée dans l'accueil d'enfants ayant un handicap, et plus particulièrement celui d'incontinence urinaire.Ça veut dire quoi ce mot ?Cela veut dire que ces enfants ne retiennent pas leur pipi, qu'il coule donc tout seul sans pouvoir être retenu par la vessie.Ils doivent porter des couches la nuit ?Oui, me répond maman, mais le jour aussi.Cela ne me gène pas tu sais, dis-je. Matthias, mon pote qui habitait pas loin de notre ancien appartement, faisait pipi au lit et portait des couches.

Maman se contente de me sourire sans me répondre. J'ai le sentiment qu'elle ne me dit pas tout. Je repense donc à ce qu'elle m'a dit juste avant, et notamment au fait que d'avoir un enfant porteur d'un handicap amène des points. Et là, je percute... l'enfant dont elle parle, ce n'est pas celui que l'on accueille mais... c'est moi !

Tu veux que... je porte des couches ? Finis-je par dire en bégayant en m'en voulant de ne pas avoir compris plus vite où voulait en venir maman.C'est une idée que j'ai eue oui, me dit-elle en me prenant une nouvelle fois mes mains dans les siennes et en le regardant dans les yeux. Je ne veux bien sûr pas t'obliger à ça mais cela aiderait à notre dossier.Mais... quand est-ce qu'il faudrait que j'en mette ?À vrai dire, tout le temps... en tout cas à partir du moment où nous déposerons notre dossier car des visites de vérification à l'improviste pourront se faire.Donc je devrais porter des couches la nuit et aussi le jour ? Et tu es certaine que cela rapporte beaucoup de points ?J'en suis sûre, oui. J'ai posé la question.

Beaucoup de pensées passent alors dans ma tête. Je sais que porter des couches n'est pas douloureux, mais il y a la honte, le regard des autres s'ils le voyaient ou l'apprenaient. Il y a aussi maman et son envie de changer de métier. C'est une vraie chance pour elle et je ne me vois pas ne pas tout faire pour l'aider alors qu'elle fait tout pour moi, pour mon bonheur et mon épanouissement. Elle m'a déjà dit qu'elle ferait tout pour m'aider à devenir médecin, même si les études coûtaient très chères.

D'accord maman, dis-je, je vais le faire. Je vais voir ça comme un stage pour mon futur métier de chirurgien. Et d'ailleurs, je ferai chirurgien spécialisé dans les réparations de l'incontinence !Un stage très immersif alors, me répond maman qui me prend alors dans ses bras en me serrant très fort. Merci Loïc de faire cela pour moi.

Lorsque nous relâchons notre étreinte, je réfléchis à ce que je viens de dire à maman, à ce que je viens d'accepter. J'imagine les conséquences que cela peut engendrer, et j'espère ne pas le regretter.