Chapitre 8

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﹏𓊝﹏

Les possessions matérielles n'étaient pas quelque chose qu'Orion avait en grande quantité. Contrairement à lui, certains de ses camarades avaient des coffres qui débordaient souvent d'objets, bibelots et richesses en tous genres : Sayan, par exemple, ne cessait de dépenser son argent dans chaque port et chaque île qu'ils visitaient afin d'ajouter à ses possessions la moindre babiole un peu brillante qui croisait son chemin. Orion, lui, n'avait en totalité que son journal de bord, quelques vêtements, une vieille carte du ciel et un portrait de ses parents joliment encadrée. Cela ne lui posait aucun problème. En quittant Umi pour embrasser la vie de pirate, il avait accepté de laisser derrière lui tout matérialisme. Il n'avait besoin de rien de plus après tout.

Aussi, c'est pourquoi il fut surpris du bonheur qu'il avait ressenti lorsqu'il avait trouvé une carte du ciel flambant neuve posée sur son hamac.

    Ce n'était pas n'importe quelle carte : c'était la carte qu'il avait voulu acheter durant leur dernière escale à Albane. Elle avait été proprement et délicatement roulée et nouée avec un ruban de soie bleu nuit, liseré d'un fin fil doré. Sans trop y réfléchir, il s'était précipité dessus et l'avait ouverte. Il n'avait eu aucun doute, c'était bien celle de l'échoppe qu'il avait vue. Cependant, après y avoir réfléchi plus de quelques instants, son enthousiasme s'était transformé en une émotion plus sombre, qui lui avait laissé un goût amer au fond de la gorge.

Seul Elior pouvait être à l'origine de ce présent. Son cœur s'était mis à s'accélérer contre son gré et il avait vite caché la carte dans son coffre, loin des yeux curieux de certains de ses camarades. Il ne put s'empêcher de repenser à leur échange intense et étrangement intime chez l'apothicaire. Cependant, cette pensée fut vite remplacée par l'image de Sayan, un sourire narquois, lançant une bourse pleine de pièces d'or à Elior une fois retournés à bord. Il ne pouvait donc plus se faire d'illusion. Il était persuadé de n'être qu'un énième pari pour les deux compères. Pour quelle autre raison Elior s'approcherait-il d'une personne aussi insignifiante que lui? Un sentiment d'humiliation lui brûlait les entrailles.

Alors ce soir-là, après que le Khromer ait quitté le port, Orion s'était fait une promesse : il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour calmer les ardeurs de son cœur.

    Alec et Orion étaient assis sur le pont, en attendant le déjeuner qui ne tarderait pas à être servi. Ne s'étant pas vu depuis la soirée dans la taverne, les deux amis avaient décidé de passer un moment ensemble. Alec lui demanda alors, à la "surprise" générale et avec un sourire goguenard tout en lui frappant l'épaule :

- Dis moi, j'ai une petite question qui me taraude. C'était l'alcool ou je t'ai bien vu en pleine conversation avec Elior l'autre soir?

Orion cessa tout mouvement. Il hésita, le temps d'une inspiration, à lui mentir. Mais il se ravisa et soupira, comme toujours. Il hocha seulement la tête en guise de réponse. Une nouvelle tape sur l'épaule le fit sursauter :

- Félicitations champion ! Je suis surpris, et un peu vexé, qu'il faille te tirer les vers du nez. J'aurais pensé que tu sauterais de joie après une avancée pareille. De quoi avez-vous parlé?

- Rien d'important, crois moi. De toute manière, ce n'est pas moi qui l'intéresse vraiment, ajouta doucement Orion, qui se força à ne pas tourner la tête en entendant le rire mélodieux d'Elior résonner plus loin.

- Hein ? s'exclama Alec. Il t'a dit qu'il était intéressé par quelqu'un d'autre ? Quel salaud.

Orion secoua la tête.

- Non, rien de tout cela. Mais c'est évident qu'il n'est venu me voir que pour remporter un pari.

Alec se redressa d'un coup, les sourcils froncés et la mâchoire tendue :

Des Yeux aux Coeurs [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant