Chapitre 1

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Assise sur son transat en plastique blanc, Camille contemplait attentivement l'abeille en train de se noyer au bord de la piscine du camping 4 étoiles. L'insecte se débattait, luttant sans merci pour sa survie face à une noyade inéluctable. Consciente du drame en train de se jouer devant ses yeux, elle assistait en spectatrice à cette mort imminente sans esquisser le moindre geste, attendant la conclusion sans émotion particulière. Après tout, un insecte ne crie pas, ne fais pas de bruit, en tout cas pas du transat de Camille... Elle ne ressentait aucun sentiment de culpabilité, aucun instinct la poussant à se lever et à sauver l'abeille de son funeste destin. Sans culpabilité aucune, elle la regardait mourir. Tout à coup, son fils de dix ans, Victor, le fit sursauter en hurlant :

– Maman ! regarde la bestiole qui essaye de nager ! Regarde ! Regarde !!!!! REGARDE MAMAN !!!!!

Camille se surpris à crier d'une voix stridente et à s'agiter d'un coup d'un seul, s'adressant à son fils :

– Victor arrête ! ne touche pas cette abeille elle va te piquer ! dégage de là tout de suite non de dieu !

La diversion avait fonctionné, Victor recula instantanément à la violente injonction maternelle, écrasant au passage son ballon fraichement acheté la veille à la boutique du camping, et tombant violemment au sol en tentant de rétablir son équilibre. Bien heureusement, sa chute fut amortie par son imposant postérieur, acquis au prix de nombreuses heures passées sur le canapé familial, consacrées religieusement à sa croisade nommée « PS4 ».

Gagné... les trois quarts des baigneurs la regardaient, figée quelques secondes dans son rôle de mère hystérique...Leur attention fut détournée par les premières notes de la chanson fétiche du lieu, la danse de la piscine de 18h... ouf, sauvée par le gong, songea Camille.

Victor parti comme une flèche se trémousser au rythme du tube du camping, en compagnie de tous les marmots de moins de douze ans des alentours, rabattus par une animatrice aux oreilles de Minnie hurlant les paroles de la stupide chanson. Étrange coutume qu'ont les camping de passer un musique insupportable toutes les heures pour créer un soit disant « hymne des vacances ».

Camille soupira, et se rassit sur son transat, ramassant son livre tombé au sol. Elle rajusta son chapeau de paille, et essuya les gouttes d'eau tombées sur ses coûteuses lunettes de soleil. Elle maugréa en constatant que son livre avait pris l'eau, et le posa en équilibre précaire sur son sac afin que ses pages sèchent. Elles allaient gondoler et elle n'aimait pas ça.

Elle avait chaud. Elle regarda ses bras et remis de la crème solaire. Le soleil tapait fort dans cette région du Sud, elle n'en avait pas l'habitude et sa peau le lui faisait savoir. Décidemment, elle n'était génétiquement pas programmée pour être une de ces sirènes branchées et toutes dorées qui s'amusaient à défiler devant son transat. Malgré tous ses efforts, elle restait désespérément blanche, voire rosée, comme une dinde déplumée qui aurait essayé de bronzer... Peine perdue, le soleil et elle étaient fâchés. Mais ça n'était pas si grave, Camille aimait à penser qu'en des temps lointains, le teint pâle était signe de raffinement, et de noblesse. Sans nul doute, elle aurait été adulée en cette époque... Elle cultivait donc cette surprotection cutanée, arborant des chapeaux à large bord et s'enduisant de crème indice 50 lui garantissant que les rides préférerons les sirènes couleur pain d'épice.

La chorégraphie de l'animatrice adepte des rongeurs se poursuivait sur de nouveaux rythmes endiablés, et commençait sérieusement à taper sur les nerfs de Camille. Ce n'était que le troisième jour des vacances et elle se demandait comment elle allait réussir à survivre aux quatre prochains. Elle chercha Victor du regard afin de déterminer si elle devrait prochainement l'enduire d'écran solaire. Son timing était bon, à vue de nez le gamin serait rôti à point pour 19h. Depuis que Julie, sa sœur ainée s'était moquée de lui, Victor rivalisait d'ingéniosité pour éviter le transat maternel ; tout était bon pour ne pas entendre la nouvelle chanson inventée par l'insolente adolescente « mets ton huile solaire Victor, ma petite paupiette de porc ! »

Putain de virgin mojitoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant