Putain de virgin mojito

Chapitre 4

Elle décida de sortir du camping et de s'aventurer un peu dans la petite ville à côté. Située à quelques kilomètres, elle n'eut aucun mal à s'y rendre grâce à la navette mise en place.
Camille et sa famille l'avaient rapidement traversé en arrivant, mais sans y prêter attention ; après tout, le camping était bien plus attractif avec toutes ses animations.
C'était jour de marché, et la bourgade était bien animée. La petite place était envahie par les marchands de fruits et légumes, d'olives, de fromages, de biscuits et de saucissons.
Camille repéra un café près de l'église, et s'attabla sous la tonnelle protégée par un gigantesque bougainvillée. La patronne, qui devait s'appelait Simone si l'on en croyait le nom de son bistrot, arriva rapidement.
— Pour Madame, ce sera quoi ?
— Un café s'il vous plait. Avec du lait de soja si possible.
Simone la regarda, éclata de rire et parti rejoindre l'intérieur de son établissement.
Elle revint avec un café et un petit pot de lait chaud.
— Ça, c'est une noisette, avec du lait de vache einh pas de noisette. Pour le soja, désolé ici on n'en a pas, mais je vous ai mis une petite tranche de pastis pour gouter, c'est une sorte de brioche et c'est cadeau. Si vous voulez en acheter, allez au stand de Juliette, près de la fontaine, dites-lui que vous venez de ma part, elle vous fera pas de prix mais ça lui fera plaisir ! Et à moi aussi !
Et elle repartit en riant, et en prenant à parti quelques vieux habitués :
— Du soja haha haha, et puis quoi encore ? ha haha ces touristes...

Camille aurait pu se vexer, mais c'était sans compter la gentille attention de Simone. Délicatement parfumée à l'anis, cette gourmandise était délicieuse.
Tellement délicieuse qu'elle décida de visiter l'étal conseillé, et se rendit comme indiqué près de la fontaine. Elle n'eut pas trop à chercher, guidé par des cris :
— Qui veut gouter le meilleur pastis des environs ? Venez Messieurs Dames approchez !
Camille rejoignit l'attroupement formé et observa un grand dadais d'une vingtaine d'années offrant sur un plateau des mini bouts de brioches. En s'approchant elle découvrit que le stand, outre les fameuses friandises, proposait également des pots de miel.
Curieuse elle s'approcha, et fut alpaguée par une femme à la longue chevelure blanche, derrière le stand, sur un fauteuil roulant.
— Vous voulez gouter mon miel ? Sur un bout de pastis, vous m'en direz des nouvelles ma belle.
Camille accepta, et bien lui en pris, le miel était délicieux.
— Je vais vous prendre un pot s'il vous plait, il est vraiment très bon.
— Avec plaisir. Bastien, viens un peu ici, sers la dame je te pries, elle prend un pot.
Le grand dadais arriva, posa le plateau dévalisé, et se saisit du billet que lui tendait Camille.
— Tati faut rendre la monnaie, combien Tati ? combien ?
— Et bien 20 – 8 ça fait 12 Bastien, regarde je te l'ai marqué sur ton ardoise là.
Camille aperçu une vielle ardoise juste derrière la caisse, et vit que diverses additions y étaient notées.
— C'est mon neveu Bastien, lui dit Juliette, il veut aller trop vite, il oublie de regarder son ardoise, mais il n'a pas son pareil pour rameuter le client avec sa voix de stentor, pas vrai mon chou ?
Bastien acquiesça et s'empressa de compter les pièces qu'il rendait à Camille.
— Entre lui et Simone, je ne risque pas de manquer de clients, même si je suis caché derrière mes sucreries ! lui lança Juliette.
— Oui c'est vrai, d'ailleurs c'est Simone qui m'a envoyé ici, elle vous fait beaucoup de publicité !
— Et oui c'est vrai, j'en ai de la chance moi, lui répondit-elle
Camille n'en montra rien pour rester polie, mais elle était un peu choquée que cette femme se targue d'avoir de la chance alors qu'elle était collée à son fauteuil...et que son assistant vendeur n'avait pas la lumière à tous les étages...
— Je vous ai déjà vu vous, dit Bastien en regardant Camille et en la pointant du doigt. Au camping.
— Ah oui j'y suis en effet...répondit Camille
— Bastien on ne pointe pas du doigt, répliqua Juliette. Il y travaille à mi-temps, explique-t-elle à Camille, il fait des petits boulots.
— Oui, je balaye les mobil home, je nettoie la piscine, et aussi parfois je peux conduire la ptite voiture. Et j'habite là-bas aussi, repris t'il en s'enorgueillant. J'ai ma propre tente, avec deux chambres et une mini cuisine dedans ! Je suis autonome ! Je me débrouille !
— Et tu peux en être fier Bastien, lui répondit doucement sa tante, et je suis fière de toi aussi.
— Je t'aime Tati
— Je t'aime aussi mon chou
Camille vit alors le jeune homme enlacer sa tante et l'embrasser bruyamment sur les joues.
Il l'aimait de manière si évidente et si pure qu'elle en fut émue aux larmes. Dire que deux minutes avant elle plaignait cette femme... maintenant elle avait presque envie d'être à sa place...

Camille s'éloigna du marché et déambula dans le petit village. La matinée était bien avancée, et les ruelles ombragées étaient un soulagement pour la peau de Camille, qui avait oublié sa crème solaire.
En flânant, elle réfléchissait... qu'allait-elle dire en rentrant retrouver sa famille... seraient-ils un peu plus inquiets si elle ne rentrait pas pour ce midi mais pour le diner ?
Le hasard la conduisit près d'un petit parc, et en apercevant les balançoires, elle repensa à sa crise de larmes la veille au soir. Ce n'était pas anodin, elle avait véritablement craqué hier soir, et revenir comme si de rien n'était était inenvisageable. Elle ne le supporterait pas.
En attendant l'église sonner midi, elle réalisa qu'elle avait faim, et se laissant guider par son instinct, reprit le chemin du bistrot matinal.
En l'apercevant avec son sac protégeant le pot de miel, Simone s'écria
— Ah vous avez suivi mes conseils ! C'est bien ! Allez un plat du jour ça vous dit ? C'est un gratin de légumes du soleil, on n'en a pas assez sur la tête il nous en faut aussi dans l'estomac !
Camille sourit, s'installa et se régala.
En finissant son verre de rosé, elle eut l'impression qu'il n'y avait pas que son ventre qui avait été réchauffé par ce plat ensoleillé, son cœur semblait un peu moins congelé lui aussi...