PANIER QUATRE - AMBRE

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AMBRE

Je. Veux. Yakob.

Ce sont ses putains de mots. J'ai beau lire encore et encore ce dernier texto, à part une colère noire qui empoisonne mon sang, je ne ressens rien d'autre. Tout mon corps est crispé. Je n'ose pas répondre ou même la regarder. J'ai peur de ce qu'elle pourrait voir sur mon visage. L'animosité. La trahison. L'injustice.

Je connais assez ma meilleure amie pour la savoir mal à l'aise, car je n'ai pas pu contenir ma froideur. La tempête fait rage dans mon esprit. Le dilemme et l'impulsivité nourrit cette frustration mal placée. Je ne devrais pas, mais je laisse les gemmes de la jalousie s'enraciner dans mon cœur.

En espérant retrouver mon calme, je me reconcentre sur le cours que donne le professeur en avant. Je prends des notes, ne regarde que lui et quand il annonce enfin la fin, je m'empresse de ramasser mes affaires. Aly fait de même, agitée et perturbée.

— T'es sûre que ça va, Ri' ? s'inquiète-t-elle.

Les lèvres pincées et les sourcils froncés, je fais volte-face en avalant les injures qui veulent sortir.

— Tu me demandes vraiment ça ? Tu as perdu la tête, Alyssa...

— Je veux au moins tenter. J'en ai marre de le regarder de loin. À quoi bon ne rien faire si... s'il m'intéresse tant que ça ?

Ses joues prennent une teinte rosée et malgré moi, j'ai un hoquet, tant je suis estomaquée. Avant que je ne puisse en placer une, j'entends une voix grave m'interpeller. En tournant la tête, je vois Monsieur Joseph qui me fait signe d'approcher. Alors, je le rejoins non sans lancer une œillade à Aly qui se mord la lèvre, bourrée d'incertitudes.

— Il y a-t-il un problème, monsieur ? demandé-je dès que je me plante devant lui, mon sac à dos sur les épaules.

L'homme grisonnant m'offre un sourire sympathique. Il recadre ses lunettes sur son nez en secouant la tête pendant qu'il range ses papiers.

— Pas si tu n'en as pas ?

J'arque un sourcil, sans comprendre où il veut en venir.

— Monsieur Nguyen ?

— Oh... Yakob.

— Mon intervention de ce matin t'a mis dans l'embarras, je veux m'en excuser. Si la présence de Yakob te dérange... je donne ce cours le mardi après-midi et le vendredi matin. Tu n'as qu'un mot à dire, et on peut s'arranger avec l'administration pour que ton horaire soit à jour.

Étonnée de sa proposition, j'ouvre la bouche, mais je suis à court de souffle. Pas même un cri n'en sort. Je me force donc à pousser un petit rire.

— Je ne suis pas dérangée par Yakob, monsieur, assuré-je. J'ai été mis sur le fait accompli et je n'aime pas spécialement être le centre d'une telle attention, mais...

Je soupire et souris.

— Je parlerai avec Yakob pour qu'il ne recommence plus.

— Tu en es sûre ?

Il regarde avec attention, ancre ses yeux dans les miens à la recherche d'une quelconque incertitude.

— On a grandi ensemble. Il est comme... un frère, articulé-je difficilement. On ne dérangera pas votre cours. Promis.

Monsieur Joseph hoche la tête en prenant une grande respiration.

— D'accord. Je te fais confiance.

— Et euh... désolée pour le retard. Ça n'arrivera plus.

À ma grande surprise, il sourit. Mais son expression se fige quand il observe au-dessus de ma tête. En me retournant, je découvre Yakob qui descend les marches avec Alyssa sur ses talons. Un sourire malicieux étire ses lèvres quand il me voit et sa simple présence me donne l'impression que ça suffit à décrédibiliser tout ce que je viens de promettre au prof.

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