4. Engagements

3 2 0
                                    

Marissa grogne devant son miroir. Dix minutes qu'elle s'échine à fixer ces maudites fleurs dans ses cheveux, mais ses mains tremblantes refusent de lui obéir.
D'ordinaire, le bruit de l'océan est ce qui l'apaise le plus, hormis les bras de son Amour. Aujourd'hui, il ne fait qu'amplifier son angoisse.

Puntarenas est pourtant le choix parfait pour ce jour tant attendu. Ses plages de sable volcanique, ses eaux limpides, elle en a toujours rêvé. Toutes les décisions, bonnes ou mauvaises, qu'elle a pu faire au cours de son existence n'avaient qu'un seul but : l'amener ici et maintenant.
Alors, pourquoi appréhender autant de s'unir à l'Amour de sa vie ?

Marissa fait les cent pas dans la pièce, sa robe ivoire balayant le plancher, mais elle ne part pas, cette boule bloquée dans sa gorge.
Je me noie dans son angoisse.
Elle arrête sa ronde pour faire face à son reflet pour la quinzième fois de la matinée, effleure ses dentelles et son bustier soyeux, ravale les sanglots qui menacent ses cils, puis reprend sa marche tourmentée, tentant de se rassurer :
— Respire, Marissa. Y a pas de quoi se mettre dans des états pareil !

Aucun nuage à l'horizon ne serait susceptible de gâcher cette journée qu'elle a voulue parfaite. Une centaine d'invités, une somptueuse décoration, des mets raffinés. Et pourtant, quelque chose l'empêche d'être sereine et de profiter pleinement du moment. Elle ne saurait dire quoi.
Le doute ? Impensable. Ma lumière, qui brille d'un éclat si pur en sa présence, témoigne qu'elle s'apprête à s'unir à son âme sœur.
La peur ? Est-elle prête à s'enfermer dans une vie où il n'y a plus de possible ? Est-elle passée à côté de quelque chose ?

Par la fenêtre, l'océan caresse paisiblement le rivage. À l'intérieur, les vagues de ses émotions diffuses guettent la moindre de mes failles pour s'insinuer dans mon cœur.

La porte de la chambre s'ouvre et Mégane apparaît dans l'encadrement. Ses yeux bleus plantés dans ceux de Marissa, elle y perçoit aussitôt sa détresse. Elle se précipite vers elle et l'enlace tendrement de ses bras menus.

— Cette tête ! Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu flippes ?

Marissa se dégage rapidement et essuie ses larmes, tentant de la rassurer :
— Non, bien sûr que non. Enfin, peut-être, je ne sais pas…

Mégane l'entraîne à sa suite et s'assoit sur le lit, tapotant la place à côté d'elle pour l'inviter à la rejoindre. Rien que sa présence l'apaise.

— Raconte-moi. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Sa voix douce et cristalline la pousse à la confidence :
— Je crois que je suis effrayée à l'idée de me retrouver enfermée dans un quotidien terne, que l'ennui me bouffe, que l'amour s'étouffe.
— Toi, Maria Isabel Colores, te perdre dans une vie sans couleurs ? T'es un arc-en-ciel à toi toute seule. Jamais ça ne pourra t'arriver.
— Et si j'avais raté quelque chose ?

Le regard de Mégane s'obscurcit.

— De quoi tu parles ? Tu commences à me faire peur.
— C'est juste que j'ai jamais connu ça avant. C'est un sentiment tellement fort. J'ai peur de me perdre dans cet amour.
— Marissa, la salle de réception est pleine de toutes les personnes qui ont compté pour toi, toutes ces rencontres qui font ce que tu es. Chaque voyage, chaque histoire t'a appris quelque chose sur toi, sur la vie. Chacune de ces aventures t'a fait grandir pour te conduire exactement là où tu te trouves aujourd'hui. Et fais-moi confiance, tu as tout à fait ta place devant cet autel.

Une déferlante de béatitude s'engouffre dans mon corps astral et efface les doutes.
Marissa, plus légère, est fin prête à affronter la dernière ligne droite vers le bonheur ultime.
Je flotte à l'orée de ses chairs, pris dans une valse d'euphorie à l'idée qu'elle gravisse la dernière marche qui la sépare de moi.

La cérémonie se déroule comme dans un rêve.
Sur le chemin de l'autel, Marissa croise le regard ému de chaque personne gravée dans son cœur. Sa famille, ses amis. Mégane avait raison, personne ne manque à son histoire.
Mégane.

Les âmes sœurs enfin unies pour l'éternité, elles s'éloignent des convives pour profiter pleinement d'elles, et ancrer leur engagement dans les chairs de l'autre.

Inondant la base de la nuque de Mégane de baisers fiévreux, humant les boucles dorées de ses cheveux, Marissa se perd en moi pour mieux se retrouver. La profondeur du regard de son épouse me transperce de part en part.
Il aura fallu qu'elle vive des histoires palpitantes aux quatre coins du monde pour se rendre compte que le bonheur se trouvait sous ses yeux pendant tout ce temps.

— Alors mon cœur, susurre Mégane, en dégrafant son corsage. Aucun regret ?
— À tes côtés, jamais, lui susurre Marissa, dont les craintes ne sont plus qu'un lointain souvenir.

Sous le clair de lune, les paumes se touchent ; les peaux, les bouches.
Dans la pénombre, la passion s'écrit ; les souffles, les cris.
À l'aube, le désir de nombreuses fois assouvi sur la couche.
Les astres pour témoin qu'aucune nuit passée n'égala celle-ci.

Je me nourris de cet Amour indicible et brille plus fort que jamais.
Dans l'éclat de leur jouissance, elles se bercent de tendresse et murmurent :
— Je t'aime, Marissa.
— Je t'aime, Mégane.

Love TripOù les histoires vivent. Découvrez maintenant