Au bout des deux heures de trajet prévues doublées de deux heures de bouchons sur l'autoroute, la famille arriva enfin devant une petite maison peinte de blanc décrépit. Alysée n'était pas pressée de sortir de la voiture mais elle suivit ses parents et se dirigea vers le porche qui abritait la porte d'entrée. Elle appréciait secrètement le choix du logement. Sa belle-mère avait fait les recherches à distances et bien que la petite maison semblait plutôt usée, ses nombreuses fenêtres cachées par des volets neufs couleur bleu roi faisaient leur effet. En comparaison avec l'appartement duquel le père et la fille venaient, il s'agissait d'un beau progrès.
Pendant que ses parents discutaient du retard de l'agent immobilier chargé de leur remettre les clefs, Alyzée s'assit dans les escaliers en pierre aux pieds du porche. Toujours les écouteurs enfoncés dans les oreilles, elle observa distraitement les environs. Le soleil était en train de se coucher, quelque part derrière les nuages. Bien que la maison était plutôt plaisante de l'extérieur, la disposition du quartier n'était pas idéale. Il était dans le style des quartiers américains, avec des jardins ouverts à l'avant des maisons. On avait donc une vue imprenable sur les jardins depuis la rue, ce qui ne la gênait pas spécialement car elle était plutôt casanière. Le problème était que l'inverse était également vrai, il était très facile de voir la rue depuis l'intérieur.
Comme toutes les personnes timides et discrètes, du moins c'est ce qu'elle se répétait, Alyzée avait pris l'habitude de longer les murs. Que ce soit dans des bâtiments un peu trop peuplés ou au contraire dans des espaces trop déserts. Cette stratégie, elle l'employait partout. Mais dans cette rue, elle se livrait au regard de tous ses voisins.
Alyzée n'était pas paranoïaque mais elle se souciait anormalement de l'attention qu'on lui portait. Elle n'appréciait donc pas spécialement les fêtes en son honneur ou les évaluations orales. Cependant, ce n'étaient pas ces situations précises, qui étaient les plus dérangeantes. En effet, des moments tout-à-fait habituels pouvaient lui causer des crises d'anxiété. En fait, toute attention sur sa personne la mettait anormalement mal-à-l'aise.
Elle n'était donc pas très enthousiaste quant à la position de sa nouvelle habitation. Mais comme pour nombre de choses, elle n'avait pas le choix.
Lorsque plusieurs dizaines de minutes plus tard, l'agent immobilier arriva enfin, il serra la main des deux adultes et se présenta en tant que Mr.Guenin. Elle hocha la tête dans sa direction espérant qu'il ne se présenterait pas avec une poignée de main. L'homme devait avoir autour de 40ans, il était le stéréotype de sa profession : téléphone en main, costume taillé, l'air blasé et pressé. Pour coroner le tout, il semblait irrité lorsqu'il s'exprimait.
En écoutant sa belle-mère s'agiter, elle comprit que le retard de l'agent était dû à un oubli de la part d'Etienne. Il aurait en effet dû prévenir l'agence par téléphone de leur arrivée. Il avait toujours été distrait, sa fille tenait ça de lui, mais sa femme était généralement là pour rattraper ses bourdes. Pas de chance, cette fois elle s'était assoupie dans la voiture. Depuis quelques années ce rôle était celui de Christine, mais il avait précédemment été celui de Célia, la mère d'Alyzée.
Alyzée n'aimait pas tellement le conflit, cela aussi elle le tenait probablement de son père, ainsi elle suivait généralement les indications de ses parents. Les seules raisons pour lesquelles elle se faisait parfois réprimander étaient pour manque d'initiative ou pour un oubli.
Ils entrèrent tous les trois dans la maison à la suite de Mr Guenin, ce dernier alluma les lumières et leur fit visiter les différentes pièces en un temps record. Il présenta les deux chambres, la salle de bain, les toilettes et la cuisine en 5 minutes ni plus ni moins. Puis, il demanda à Etienne de le suivre pour lui montrer le garage. Christine les suivit, l'air sceptique, tandis qu'Alyzée les attendis dans le salon-salle à manger. Christine ne se revendiquait pas féministe, loin de là, mais lorsqu'il s'agissait de prendre les choses en main dans le cadre du foyer, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Mr Guenin prit plus de 10min dans cette pièce ce qui était assez révélateur, et d'après ce qu'Alyzée entendait, il ne s'adressait presque qu'au père. Celui-ci ne répondait jamais à voix-haute, il devait simplement hocher la tête. Christine quant à elle bombardait le pauvre homme de questions. Il fallait avouer qu'il avait laissé de côté beaucoup d'informations importantes. Elle lui demanda ensuite de refaire presque entièrement la visite des autres pièces en pointant toutes les anomalies et Mr Guenin sembla plus d'une fois pris de cours. Christine savait rendre inoffensif n'importe quel beau-parleur ou manipulateur. Une heure plus tard l'employé fut enfin libéré après avoir fait signer des papiers au couple.
Alyzée avait attendu patiemment assise sur un des sièges de bar de la cuisine. La maison avait déjà été meublée. Quelques éléments n'étaient pas aux bons endroits mais le gros du déménagement avait été fait en avance.
-Quel incompétent ! s'exclama Christine en fermant la porte d'entrée.
Ce à quoi Etienne répondit un « hum » d'acquiescement. Ils arrivèrent ensuite tous deux dans la cuisine et prirent les deux sièges en face d'Alyzée.
-Tu veux aller chercher tes affaires et t'installer dans ta chambre ? Je vais essayer de nous faire des pâtes. Demanda-t-elle en s'adressant à Alyzée.
-Oui, je veux bien. Répondit-elle en levant la tête.
Elle fixa le regard de sa belle-mère pendant une seconde, puis se leva et sortit chercher sa valise et son carton dans la voiture qui était restée ouverte. Malheureusement pour l'agent immobilier, Etienne ne prendrait probablement jamais le soin de rentrer sa Clio2 dans le garage. Mais au vu de son état, elle ne risquait pas grand-chose.
Elle ferma ensuite la porte de sa nouvelle chambre derrière elle, s'assit sur la chaise de bureau, et soupira bruyamment. La fin de journée avait été particulièrement éreintante, et elle avait hâte d'aller se coucher. Elle fixa son regard sur le lit, pas encore fait, mais elle n'eut pas la force de s'en occuper et décida de laisser le rangement pour le lendemain afin d'explorer sa petite chambre. Il y avait un lit, une table de chevet, un bureau et une armoire. Tous les meubles étaient en bois clair, assez neutre. Elle découvrit également un balai accroché à un crochet sur le mur près de la porte. Cette disposition était probablement une erreur. Elle ouvrit son carton pour en sortir sa Boite, vérifia son contenu puis, en montant sur la chaise, la posa au-dessus de son armoire.
Il était 22h30 lorsqu'elle se rendit dans le salon, ses parents étaient assis au bar coté cuisine. La cuisine était également américaine, séparée du salon par un bar. Alyzée prit place face à eux et se servit une bonne portion de pates avant d'y ajouter du beurre et du sel. Le repas n'était pas le plus raffiné mais il était parfait pour compenser une journée éprouvante. Après avoir rapidement fini son assiette, elle retourna dans sa chambre, fit son lit rapidement et tomba dans les bras de Morphée.
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Un souvenir indélébile
Teen FictionIl l'a sauvée tout en la détruisant au passage, la jetant dans un monde qui est à présent le sien. Puis il n'a pu s'empêcher de la sauver à nouveau. Et à présent il l'a laissé, livrée à elle même, dans ce monde auquel elle se sent étrangère. Son so...