Prologue

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La pointe de mon stylo se déposa doucement sur le papier. Je pris le plus grand soin pour tracer les lettres et les relier les unes aux autres. L'encre noire s'apposa sur la blancheur de la page et je ne pus m'empêcher de m'inquiéter à l'idée de faire une tâche et de tout gâcher.

Je m'efforçai de continuer à sourire malgré la concentration que cela me demandait. Je participais à la discussion tout en apposant la signature que j'avais passé des jours à imaginer.

Les lèvres rosées de mon interlocutrice s'étirèrent à leur tour lorsque ses yeux détaillèrent la dédicace que ma main venait de lui offrir. Elle me remercia sincèrement et mes joues rougirent face à l'admiration qu'il y avait dans son regard.

Après avoir écrit des romans sur la table de ma cuisine, je me retrouvais en plein milieu d'une librairie, des photos de moi placardées sur des affiches pour attirer les clients.

Une longue file de lectrices attendait pour pouvoir passer quelques minutes avec moi et je ne pouvais retenir le sentiment étrange qui prenait de la place dans ma poitrine.

Méritais-je un tel engouement ? Des centaines d'auteurs rêvaient d'être là où j'étais et j'avais gravi les marches de la popularité en un temps record. L'écriture n'était pas une vocation pour moi. J'avais toujours passé mon temps libre à lire mais je n'avais jamais imaginé que j'étais capable de créer un univers qui ferait des milliers de ventes.

Une nouvelle personne s'approcha de moi en me tendant l'un des exemplaires de mon œuvre. Je le saisis et l'ouvris en veillant à ne pas abimer la couverture.

J'étais autrice de romance. Mon lectorat était très majoritairement féminin. Même si certaines critiques littéraires me qualifiaient d'auteure de sous-littérature, j'étais fière de parvenir à faire rêver toutes ces femmes.

Je ne savais que trop bien comment inventer des hommes plus incroyables les uns que les autres car nous partagions les mêmes fantasmes, elles et moi.

Je connaissais les scénarios qu'elles s'imaginaient avant de s'endormir parce que j'avais le même rituel.

Tout ce que nous voulions, c'était qu'on nous aime sans pitié et qu'on soit prêt à sacrifier le monde pour nous.

J'aurais dû savoir que seuls les héros avaient une fin heureuse et que mon obsession pour les méchants de l'histoire me pousserait tout droit dans les bras du pire d'entre eux. 

(Un)inspiredOù les histoires vivent. Découvrez maintenant