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Ce jour-là, je n'ai rien vu venir.Je n'ai pas appris à reconnaître les signes.
Ceux qui attestent la fin d'une histoire et marquent le début d'une autre.
Peut-être que je me voile la face et qu'en réalité, ce n'est rien.
Mais j'aime à penser que c'est à partir de ce rien que commencent les fondations d'une relation.
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Aujourd'hui, le temps est clément.
La toile azuréenne n'est percée que de quelques nuages blancs qui semblent ne pas savoir quelle direction prendre. Alors, ils voyagent loin, voyagent vite et voyagent encore jusqu'à atteindre l'infini, au creux des bras d'un terminus imaginaire. J'inspire une grande bouffée d'air et mon regard se détourne de l'éden parsemé de champs de coton.
Malgré la pointe quotidienne dans ma poitrine, je me sens plus léger que la veille.
Ce n'est pas une très grosse différence, mais elle est là quand même. Aussi minime soit-elle.
Certaines de mes pensées sont toujours bruyantes et font un vacarme indécent ― pas autant que celui produit par les badauds ―, mais les éclaircies du jour me réchauffent légèrement. Radoucissent les deux morceaux de mon âme qui ne sont pas encore tout à fait brisés.
Deux morceaux que j'ai réussi à sauver.
Mes pas frottent le bitume. Ma route se rallonge quand, au détour d'une rue, je pense prendre un raccourci qui n'en est pas un. Je souffre, peu heureux de cet effort supplémentaire qui me contraint à pousser sur mes poumons devenus bien trop faibles. Mes jambes me portent difficilement lorsque j'entame un demi-tour, mais je retrouve vite le sourire lorsque je relève la tête.
Mon échappatoire n'est plus très loin.
Au bout de trois cents mètres, j'aperçois l'entrée de la galerie. Et quand je plisse les yeux, mon regard rencontre le visage de Hector en train de parler avec Jennie, adossé contre la porte en verre entrouverte.
Il sourit. Elle aussi.
Je crois qu'ils s'aiment bien.
Ça doit être agréable de pouvoir encore ressentir tout cela.
En quelques enjambées, me voilà devant l'entrée et le reste de la vie disparaît derrière moi. Les devantures, voitures, oiseaux, passants se font engloutir par mon ombre en mouvement comme relégués au second plan, dévorés par quelques carcasses de bosquets. L'hiver criminel de cette année ne les a pas épargnés.
Je monte les marches en pierre, salue Hector d'un mouvement de tête, remercie Jennie d'un autre pour le billet, entre dans la galerie, monte d'autres marches ― cette fois-ci en marbre blanc ― et, enfin, pose les pieds au seuil de ma salle favorite.
Par automatisme, mon regard le cherche.
Après avoir repris mon souffle, mon corps pivote et mes pupilles, remplies d'un espoir improvisé, arpentent la pièce éclatante de beauté.
Les œuvres de Hopper se font nombreuses tout comme les visiteurs en ce dernier jour d'exposition.
Peut-être qu'eux aussi ne veulent pas tomber dans l'oubli.
Peut-être qu'eux aussi sont attirés par le vide.
Peut-être qu'ils sont comme lui, qu'ils sont comme moi...
... ou alors, qu'ils sont comme toi.
En constante recherche d'une mémoire neuve pour oublier ce qui nous a autrefois passionnés.
― Vous êtes là.
Frôlement des corps. Sourires en coin.
― Je suis là, répète-t-il d'une voix basse.
Il se tient présent. Nous nous tenons présents. Et en ce jour particulier, l'univers lui-même daigne nous offrir sa présence.
Le temps passe. C'est l'après-midi, je crois. Les nuages voyagent et le ciel se teint d'un bleu qui n'est plus tout à fait clair, mais qui n'est pas tout à fait sombre, non plus.
Les corps se meuvent, les silhouettes s'agitent. Les visiteurs partent, la salle se désemplit. Des personnes en costume noir viennent recouvrir les tableaux de voiles blancs. C'est la fin. Nighthawks se fait engloutir par l'obscurité, tout comme Chop Suey et Rooms by the sea. Une œuvre y passe, puis deux, puis trois. La collection est grande, la pièce immense. Il y en a dans tous les coins.
Mes mains tremblent.
La houle se fait recouvrir.
Ils approchent de notre position et j'ai l'impression de perdre mon souffle au fur et à mesure de leur ascension.
C'est maintenant au tour de House by the Railroad.
Une larme, unique et solitaire, s'écoule le long de ma joue lorsqu'ils arrivent jusqu'à nous.
Ils posent le dernier voile sur Automat et quelque chose de brusque se passe. Ça ébranle ma poitrine, me comprime le cœur puis brise les deux derniers morceaux de mon âme quand je perçois le scintillement d'une larme jumelle à la mienne se faufiler sur le visage de l'inconnu.
Le rideau se ferme. L'exposition est terminée.
Le vide nous a percutés.
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Hello, j'espère que vous allez bien ?
Je vais tenter au mieux de sortir le chapitre 5 d'ici 2-3 semaines, mais sachez que je travaille tous les week-ends ce qui laisse place à peu de temps pour écrire... Néanmoins, j'ai déjà commencé la rédaction du prochain chapitre !
À bientôt,
Ostaraa_
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Frêles sont les cœurs ébréchés ᵗᵃᵉᵏᵒᵒᵏ
Fanfictionミ★ | Le 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞́ n'est 𝐩𝐫𝐞́𝐬𝐞𝐧𝐭 que dans nos têtes. Qu'il est compliqué de vivre avec un cœur qui ne bat plus que partiellement. « Entends-tu cet écho blanc qui résonne dans la nuit noire ? » ⎯ ► TaeKook. ► Tranche de vie ; Romance ; Psy...