Mon sabre fermement tenu dans ma main droite, mon fusil d'assaut installé contre mon dos, mon regard se perd dans la longévité des grains de sables des Sablons Solitaires. J'entends derrière moi des bruits métalliques, des coups de feu, des cris poussés par l'adrénaline, puis des explosions. Je jette un coup d'œil à mon équipe composé de Zeliska, Kirito et Kureha. Ceux-ci viennent d'exterminer nos derniers ennemis. Kirito s'approche de moi et me tend son poing.
- Bien joué, Atsuko. Sans toi, j'suis pas sûr qu'on serait venu àbout de ce niveau.
Je cogne mon poing contre le siens et lui envoie un sourire confiant.
- Je sais, sans moi vous êtes-
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que la voix remplie de jalousie de Kureha nous interrompt.
- Je pense qu'on s'en serait très bien sorti, même sans lui. Kirito et Zeliska, on un level bien plus élevé et je suis assez forte pour me débrouiller.
Un court silence prend place entre nous. J'aperçois la mine gênée de Kirito qui ne sait pas quoi répliquer afin d'alléger l'atmosphère. Zeliska, elle, croise les bras et ce n'est que maintenant que je remarque son imperceptible agacement qu'elle tente de masquer avec une expression calme. La jeune femme lance un regard à Kureha que je peine à déchiffrer ; je peux uniquement assurer qu'il n'y a aucune patience ou compassion au fond.
Elle s'apprêtait à prendre la parole lorsque deux rayons rouges vifs se pointent, l'un sur le front de Kureha et l'autre sur celui de Zeliska. Mon instinct dicte mes gestes : je me vois courir à vive allure vers la jeune femme, enrouler mon bras gauche autour de sa taille, protéger l'arrière de son crâne avec ma main droite et nous faire tomber, évitant de peu l'attaque de l'adversaire.
Ma respiration se coupe momentanément à la vue des deux iris rubis qui me soumettent à les contempler pendant de longues secondes. Son souffle chaud, caressant mon visage, me permet de reprendre le miens. Une jolie couleur rosée peint les joues normalement pâles de Zeliska. Pour une raison que j'ignore encore, ni elle, ni moi, ne faisons le moindre mouvement pour nous extirper de cette position embarrassante.
- On vous dérange pas ?
Cette phrase a pour effet de nous ramener les pieds sur terre. Je m'empresse de me relever, puis tends ma main à Zeliska
- Rien de cassé ?
- Non, ça va.
Elle accepte mon aide et me retourne la question, l'air inquiète mais aussi reconnaissante. Je la rassure brièvement par un léger sourire. Des tapotements réguliers contre le sol et un raclement de gorge détourne notre attention de la conversation. Une Kureha contrariée nous fait face. Les bras croisés, le visage renfrogné, elle fulmine et ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle nous fasse une crise.
- Hum... tout va bien ?
Kirito intervient peu sûr de lui. Du coin de l'œil, je vois notre assaillant disparaître en plusieurs morceaux. Kureha n'a pas bougé d'un millimètre, il s'est sûrement battu seul contre le monstre. Aucun de nous n'a le temps d'ajouter quoi que ce soit que Kureha nous passe devant, les poings serrés. On la regarde s'éloigner un instant, confus. Kirito est le premier à la rattraper, me communiquant un regard hésitant en passant à côté de moi.
Je me tourne vers Zeliska et nos regards se croisent. Elle m'offre un sourire rassurant, me faisant comprendre que j'ai son soutient et qu'elle sera là peu importe ce qui se passera lorsqu'on rentrera au QG. Je sais déjà que je vais passer un sale quart d'heure. Mon visage se décompose à cette pensée. Un ricanement divin s'échappe des lèvres de Zeliska. Elle pose sa main sur mon épaule et incline légèrement la tête pour me faire signe d'avancer.
- Rentrons, il y en a pas qu'une qui a des choses à te dire.
Nous nous téléportons au SBC Glocken. Je sens une main douce attraper délicatement la mienne. Je suis assez surpris et un peu perturbé par ce geste, mais ne fait aucun commentaire là-dessus. Je me laisse emmener par Zeliska qui semble avoir une destination en tête.
Nous nous retrouvons dans ma chambre. Je ne suis pas étonné de ne pas voir mon ArFa-sys ; Nynin. Quand je pars en mission sans elle, je la laisse à t̬̺̱̗̲ͤ̔̏̕r̖̪̬̜̳̭̃͘o̿̆ͭ͏̣͈u̠͇͙̪̍͆͝ ̬͇ͣ͆́̚n̷͎͔̝͎̫̠͊ͭ̈̒ȏ̘̱̅̋͞ỉ͕̙̰̠̺͕̩͍͊͆̂͢ṛ̳̭̪̦̎̀ qui s'occupe aussi de la surveillance de Daisy dans ce cas-ci.
Par contre, voir Kureha planter au milieu de ma chambre, est étonnant. Elle ne semble pas s'être calmée depuis l'attaque aux Sablons Solitaires. Elle nous fusillent du regard en constatant nos mains toujours liées. Zeliska garde la tête haute, pas le moins du monde intimidée par Kureha.
- Depuis quand êtes vous aussi proches tous les deux... ?
Celle aux cheveux roses prononce cette question en ne quittant pas nos mains des yeux. Elle n'attend aucune réponse et enchaîne :
- Je suis tellement déçue de toi ! Quand j'étais en mauvaise posture, tu ne t'est même pas un peu inquiéter pour moi ! Je pensais que tu étais mon ami... En réalité tu n'en as rien à faire de moi, Atsuko !
Ses yeux s'embrument de larmes, mais aucune n'ose franchir la barrière de ses cils. Zeliska lâche ma main et pousse un soupire éreinté. Elle dépose la paume de sa main droite contre sa joue et son bras gauche en dessous de sa poitrine.
- Kureha, ce n'est pas toi qui disais être plus forte qu'Atsuko et ne pas avoir besoin de son aide ?
Prise de court, elle balbutie, trébuche sur ses mots. Elle finit par réussir à construire une phrase cohérente.
- Ne t'en mêles pas, Zeliska ! Atsuko, c'est grâce à moi que tu es sur ce jeu, c'est moi qui te l'ai fait découvrir. Tu devrais être plus reconnaissant !
Honnêtement, je n'ai jamais eu aucune rancœur contre Kureha. Elle est mon amie d'enfance et j'ai été content de la retrouver sur Fatal Bullets, mais depuis que je suis ici j'ai remarqué son comportement déplacé. Au début, j'excusais ses paroles car elle avait un passé compliqué. Néanmoins, après une discussion avec ̵͈̤̩̝̣ṱ̕ŗ̸̲͙ó̴͈̙̦̯͢u̧̢̖̞̝͝ ̖̹̦̙͝͞n̴̫̘͈͢o͈̙̦҉͏̫̼̜i̙͙̙̥r, et Itsuki je me suis rendus compte à quel point elle était détestable et qu'il fallait mieux que je prennes mes distances.
- Kureha, je te supprimes de ma liste d'amis.
- Q-quoi ?!
Je n'attends pas une seconde de plus et rejoins le geste à la parole. Je vois le regard choqué de mon ancienne amie changer en de la pure haine. Elle part, humiliée, blessée, trahie. J'ai un arrière goût de culpabilité dans la gorge, cependant je fais de mon mieux pour l'ignorer et rester fort. Je sens deux mains prendre place sur chacune de mes joues.
- Tu as bien fait. Je suis fier de toi.
Je crois tomber amoureux de son sourire merveilleux , mais à vrai dire, j'étais déjà amoureux de son être entier : de son cœur jusqu'à ses lèvres. Ces dernières me paraissent si attirantes que je ne peux pas m'empêcher de les fixer. Zeliska remarque mon regard insistant et s'en suivit de son mélodieux rire que je jure de ne jamais oublier.
- Qu'est-ce que t'attends ?
Il ne m'en faut pas plus pour déposer mes lèvres sur les siennes avec toute la douceur dont je suis doté et l'amour que j'éprouve à son égard. Des milliers papillons s'envolent dans mon estomac et un sentiment de plénitude me berce candidement. Sentiment que Zeliska est la seule et unique à pouvoir me procurer. J'enlace tendrement la taille de ma bien-aimée. J'aimerais figer le temps et rester là pour toujours, avec Zeliska dans mes bras et moi dans les siens.
Nos lèvres se séparent, mais je refuse de la libérer de mon étreinte. J'ai l'impression que notre bulle de sérénité s'éclatera si je le fait, que je me réveillerais et que tout ça n'aura été que le fruit de mon imagination, un rêve inatteignable. Comme pour apaiser mes craintes intérieurs, elle passe ses bras autour de mon cou et me serre doucereusement contre elle. Et je sais que cet instant n'est pas un rêve, parce que même la complexité de mon cerveau n'aurait jamais pu me leurrer avec un tel bonheur, une telle joie.
- Et si on se rencontrait... dans la vraie vie ? Murmure t'elle.
Certaines règles sont faites pour être brisées après tout.
