Noélie 1

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Je suis au lycée, cours de maths, le plus horrible. Le prof est chiant et je m'ennuie mais j'ai beau regarder l'horloge l'heure ne passe pas. Tout à coup, j'entend mon nom et je sursaute :

-Noem ! Toi qui as l'air si concentrée, tu peux répéter ce que je viens de dire ?

Je réponds sans hésiter :

-Non.

Le gros monsieur Pichard souffle comme un phoque et me dit :

-Franchement Noem, tu n'écoute pas, tu ne révise pas, tu ne bosses jamais et tu réponds par-dessus le marché ? Tu pourrais faire un effort au moins non ? Tu pers ton temps à te boucher les oreilles et dans quelques années tu t'en mordras les doigts !

-Vous avez raison monsieur. . .

Je me lève, prends mes affaires et avant de lui claquer la porte au nez, je lui dis :

-Je perds peut être mon temps mais je vais attendre quelques années avant de le regretter !

L'air frais me calme et je profite de cette tranquillité pour appeler Matt et lui demander de venir passer me chercher. Heureusement il est dans le coin et je lui explique rapidement la situation pendant qu'il démarre.

-Haha ! t'as bien fait ma belle, à ta place je lui aurais dit ses quatre vérités et il se serait peut-être pris une chaise ou une table mais bon...

-Mais bon quoi ? Je trouve que je me suis plutôt bien débrouillée.

-Oui, pour une fille c'est déjà très bien, mais ce que je veux te dire c'est que j'y aurais peut-être été moins délicatement, tu vois de quoi je veux parler non ?

-Délicatement ?! Pardon ? Mais t'es sérieux là ? C'est tout ce que je représente à tes yeux, une petite fille délicate ?!

-Mais non Bébé. Ce que je veux dire c'est que t'es une fille quoi, en gros c'est normal que tu ais un peu de mal à t'affirmer, mais c'est pour ça que je suis là, pour te protéger.

-ME PROTEGER?!

Son ton suffisant et tranquille me souffle ma colère avant de la remplacer par une nouvelle flamme, plus forte, plus brulante.

-Arrête toi.

-Quoi? Mais t'es folle Bébé, c'était juste pour blaguer, je peux pas m'arrêter ici tu. . .

-Ne. M'appelle. Pas. Bébé. Et laisse moi descendre ou c'est moi qui saute.

-D'accord d'accord! T'es vraiment susceptible comme meuf. . . dit-il tandis qu'il s'arrête à une intersection.

Mon calme olympien me surprend moi même quand je descend du scooter en lui disant:

-C'est marrant, si je me souviens bien c'est toi qui m'as demandé il y a quelques jour de mettre un casque, tout ça par ce que tu as peur de ma mère, toute frêle et si peu dangereuse. . . C'est un comble non?

Je n'attends pas la réponse pour balancer mon casque dans son nez, qui émet un horrible craquement, avant de faire volte face et de me prendre une voiture de plein fouet. Je perds connaissance quand mon crane heurte violemment le bitume. 

J'ignore si mon réveil est due aux bruits assourdissants de la radio ou au rêve étrange que je viens de faire, mais ce qui est sûr c'est que mes yeux grands ouverts ne se fermerons pas de si tôt. Pourtant, je reste quelques minutes dans mon lit à regarder le temps qui passe en y repensant. Quel rêve étrange tout de même. . . Je frissonne en me remémorant le moment de l'impact. Mais ce qui est d'autant plus étrange, c'est que je me retrouve dans cette fille, moi, si frêle, si douce et si gentille. J'ai parfaitement conscience qu'elle n'est pas moi: je m'appelle Noélie, je n'ai pas de petit copain et surtout, surtout, j'ADORE les maths. Mais je retrouve cette flamme de colère en moi, j'aimerais parfois qu'on comprenne qui je suis et que je ne soit pas seulement "l'amie gentille sur qui on peut compter, surtout quand on a des galères". 

C'est la première fois que je fais un rêve aussi réaliste. Tout paraissait tellement vrai! Le souffle du vent pendant le voyage en scooter, la chaleur de la colère sur mon, ou plutôt sur son visage, la dureté du bitume et. . .

La sonnerie de mon réveil sonne et me fais sursauter. J'oublie mon rêve tandis que je me prépare pour le lycée. Avant de partir je dépose un léger baisé sur le front de ma mère dont le nez va bientôt rentrer en collision avec son café. Elle me répond par un grognement étouffé et referme les yeux. Mon père, lui, est déjà en pleine forme et sifflote joyeusement en préparant des tartines. Il fronce les sourcils et arrête de chanter quand il me voit partir vers la porte après les avoir salués tous les deux.

-Tu ne manges rien?

Je lui fais mon plus beau sourire contrit et lui réponds:

-Désolée Papa, pas le temps! Et j'ai un peu la nausée aussi. Bisous!

Je m'enfuie avant qu'il ouvre la bouche pour me forcer à grignoter quelque chose. Comment expliquer à mon père que je ne supporte pas de me voir grossir. Le moindre petit gramme en plus sur la balance me fait éclater en sanglots. Rien que d'y penser, j'ai l'impression que mon estomac veut éjecter la moindre miette de nourriture de mon corps. Or mon dernier repas date seulement d'hier soir et je n'ai mangée que quelques grains de riz accompagnés d'une feuille de salade et d'un verre d'eau. J'ai faim mais j'aime cette sensation, j'écoute gargouiller mon ventre avec un calme et une joie déséquilibrants. La faim est tellement plus facile à accepter que les regards déçues et dégoutés de mes camarades ou de mes amies maigres comme des clous. Et puis les garçons ne regardent pas les filles grosses, alors il faut que je fasse attention, c'est important.

 Voila à quoi je pense tandis que mes jambes me portent naturellement vers le lycée, endroit de toutes critiques mais aussi de savoir infini. A ce moment là, mon rêve était déjà tombé dans les oubliettes de ma journée.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 12 ⏰

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