Prologue

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Un soleil de plomb brille dans la forêt des tourments, des bourrasques intenses l'accompagnant de plus belle. Tout paraît paisible dans ce petit coin des bois, entouré de clairières surplombées de pommiers en fleurs, annonçant l'arrivée du printemps. Les oiseaux chantonnent de leurs mélodieuses voix, mettant du baume au cœur pour ceux qui l'écoutent.

Comme tous les matins, Cameron et Anaïde, un frère et une sœur âgés tous les deux de sept ans, quittent leur maison en courant dans les bosquets, tout près de la rivière des pleurs. Les clapotis se mélangent parfaitement à leurs rires qui ne cessent de s'accroître sur leur passage, apportant de la joie dans ce lieux reclus. Comme tous les enfants de leur âge, ils représentent l'innocence incarnée, ne sachant pas que ce qui les entoure est un leurre. Tout paraît parfait à leurs yeux, ce qui peut s'avérer être la descente aux enfers.

Alors qu'ils jouent tranquillement dans la rivière, trempant leurs pieds dans l'eau, tout en s'aspergeant mutuellement par giclées, un son étrange se propage dans les alentours. Les oiseaux cessent de chanter comme si eux aussi perçoivent ce changement soudain. Les animaux, qui parviennent parfois à se mélanger à eux, restent bien cachés, loin des regards.

Soudain, les bruits deviennent de plus en plus précis, atteignant ainsi les oreilles des enfants.

— Qu'est-ce que c'est ? demande la petite à son frère qui reste silencieux.

— Des bruits de sabots, finit-il par dire après avoir identifié leur provenance.

A ces mots, la peur commence à les gagner peu à peu, accélérant leur rythme cardiaque. Personne ne vient dans les bois, ce qui n'annonce rien de bon. Leurs mains se mettent à trembler, ils se retrouvent paralysés par le danger. Instinctivement, Cameron prend la main de sa sœur.

— Ne restons pas là ! s'exclame le jeune garçon.

En disant cela, il l'entraîne dans sa course, dévalant ainsi à pas de loups la clarière, sans se retourner une seule fois pour regarder ce qui s'approche dangereusement d'eux. Leur principal objectif : trouver refuge chez eux.

N'étant pas trop éloignés de leur maison, ils l'atteignent en peu de temps. Leur mère, qui a dû entendre les mêmes bruissements, se retrouve sur le palier, les accueillant impatiemment.

— Vite, les enfants ! insiste-t-elle, paniquée. Dépêchez-vous !

A toutes jambes, ils courent sans s'arrêter dans sa direction, aussi vite qu'ils le peuvent. Leur respiration se faisant haletante, ils continuent toujours tout droit, atteignant leur refuge. Une fois arrivé, dépassant à peine leur mère, que cette dernière ferme la porte derrière eux. La panique se lit dans ses yeux, ses poignes se serrent sur la poignée.

Après une brève expiration, elle reprend le contrôle de ses émotions, détournant son attention sur les êtres les plus chers à son cœur. Elle ferait tout pour les protéger, même si ça peut lui coûter la vie. Ces enfants n'ont rien demandé, ils n'ont fait que naître, c'est ce qu'on leur reproche. Ils représentent le péché, une controverse de la loi des vestales et du temple sacré. Ils ne doivent pas exister, c'est pour ça qu'on les cherche depuis des années. Leur mère a tout fait pour les cacher, ce qui n'a pas suffi à les sauver.

Néanmoins, il reste toujours un espoir, minime soit-il.

Anaïde, Cameron, les interpelle-t-elle en faisant un geste de la main. Ne restez pas là !

S'agrippant à elle, ils la suivent sans poser la moindre question ; tant qu'ils se trouvent avec elle, c'est ce qui compte. Se laissant emporter, ils atteignent la chambre parentale décorée par un lit en bois, une table de chevet recouverte de bibelots divers, notamment de coquillages ramassés sur la plage à quelques lieux d'ici. Une armoire du même matériau orne la pièce, collée au mur. Sans plus attendre, elle ouvre la porte en grand, attendant la moindre réaction de ses enfants.

Entrez dedans, continue-t-elle à leur ordonner.

Cameron rentre à l'intérieur, sans se poser la moindre question, ce qui n'est pas le cas pour Anaïde, effrayée par le noir. Néanmoins, elle sait que tant qu'elle sera avec son frère, elle ne risque rien.

Après une grande inspiration, elle entre, tenant très fort la main de Cameron.

— Ne sortez d'ici sans aucun prétexte, continue de leur informer leur mère. Surtout, ne faites pas de bruits.

A peine ces dernières paroles prononcées que des larmes se mettent à couler sur ses joues sèches.

— Je vous aime, les enfants. Vous êtes ce qui m'est le plus cher.

Prononçant cette ultime parole, ressemblant à un adieu, elle leur adresse un dernier sourire avant de fermer la porte de l'armoire, puis les laisse seuls dans l'obscurité.

A cet instant, le temps paraît s'arrêter dans ce meuble fait de bois. Aucun son ne leur parvient, les plongeant dans un calme sans nom, ce fameux calme qui précède la tempête. Les bruits de sabots incessants retentissent de nouveau à leurs oreilles, suivi ensuite par un claquement de porte strident, ce qui n'annonce rien de bon.

Les membres de la jeune demoiselle se mettent à trembler, sa respiration se fait saccadée, son palpitant prend un rythme affolant, sa mâchoire se contracte. La panique commence à la gagner, elle se trouve sur le point de crier pour évacuer sa peur. Son frère, lui tient fermement la main, simple geste qui lui permet de ressentir de la chaleur chère à son cœur. Un sentiment différent commence à la gagner, nommé le courage. Elle est avec Cameron, il sera toujours là pour la protéger, combattant par monts et par vaux.

Alors qu'elle commence à reprendre confiance, la porte permettant d'accéder à la chambre s'ouvre avec fracas. Des bruits de pas se font entendre, résonnant sur le parquet en bois. A cet instant, le frère et la sœur se mettent à reculer au mieux pour se retrouver plus au fond de l'armoire, comme si l'obscurité totale de ce lieu peut leur permettre de ne pas se faire repérer.

Puis, d'un seul geste, la lumière se répand, les laissant à la vue de tous. La porte de l'armoire a été ouverte par un groupe de soldats qui les dévisage.

— Les voilà ! s'exclame l'un des leurs en s'approchant d'eux.

— Prenez la fille ! ordonne un autre qui doit être leur chef. Elle prendra la place de sa mère chez les vestales.

A peine il prononce ces mots que l'un des soldats commence à saisir le poignet de Anaïde avec force. Malgré le fait que Cameron essaie de la retenir comme il peut, il arrive à la sortir de là sans trop de difficulté. La jeune fille se met à hurler, tout en essayant de se débattre.

— Et le garçon ? demande l'un des soldats, situé sur la droite. Doit-on s'en débarrasser comme leur mère.

Celui qui donne les ordres s'approche de plus en plus de l'armoire pour observer le jeune garçon, d'un air de défi. Ses yeux parcourent son visage, ses bras, sa carrure de petit garçon svelte, l'identifiant dans un silence de plomb de la tête au pied.

— Ce garçon fera très bien l'affaire pour être un futur gardien de la flamme, finit-il par briser le silence. Qu'on l'emmène aussi.

D'autres se saisissent de lui également, comme s'il n'est qu'une poupée de chiffon qu'on peut trimballer facilement de partout.

Tous quittent la chambre pour se retrouver dans la pièce principale. Au centre de la pièce, le corps de la mère des jeunes enfants se retrouvent inertes, une marre de sang sortant du point d'impact, se répandant sur le sol. A cette vision d'horreur, le frère et la sœur se mettent à pleurer, les larmes déferlant sur leurs joues sèches. Leurs cœurs se déchirent à l'unisson, la peine est bien trop grande. Ils veulent crier, mais aucun son provenant de leur bouche parvient à sortir. Impuissants, ils s'éloignent, sans détourner une seule fois leur regard posé sur le cadavre.

Trop jeunes pour comprendre quoique ce soit, ils subissent leurs sorts. En même pas quelques minutes, leurs vies changent drastiquement. Sans savoir pourquoi, leur mère a été tuée de sang-froid, les laissant orphelins. Maintenant, ils ne peuvent que compter sur eux-mêmes, affrontant ce qui les attend, ensemble. Plus rien ne sera comme avant.  

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 09, 2024 ⏰

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La vestale du feu sacréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant