Petaouchnock. Trouduc-les-oyes. Perpète les Bains... difficile de qualifier autrement cet endroit perdu au milieu de nulle part ! Mais après tout, quelle importance? Il y était enfin arrivé !
Combien de temps avait-il marché pour y parvenir ? Trois mois ?Six mois ? Un an ? Une décennie entière ? Il n'aurait su le dire exactement mais ça faisait une sacrée paie qu'il avançait avec cette seule idée : trouver le trésor. Son trésor. Une idée qui l'obsédait, qui le hantait et le privait pratiquement de sommeil depuis bien trop longtemps.
Mais il avait enfin localisé la cachette de l'objet de toutes ses convoitises, de ses rêves les plus fous, de tous ses fantasmes, tel un chevalier d'autrefois, en quête du Saint Graal. A ceci près que, lui, contrairement à n'importe quel cornichon en armure, avait fini par le dénicher, son Graal.
« Au cœur de l'unique oasis de Hesbaye, tout là- bas, tu trouveras ce que tu cherches. »
Un indice bien mince, mais qui s'était avéré suffisant. Une oasis, au beau milieu de cette terre aride qu'était devenue la Hesbaye , voilà qui n'était guère fréquent. Et de fait, de fil en aiguille, il était parvenu à obtenir le nom de la bourgade érigée autour de cette oasis pour laquelle il avait parcouru tant et tant de kilomètres.
Il savait désormais avec une quasi certitude où le trésor se trouvait très précisément. La simple pensée qu'il touchait maintenant au but avait donné à ses jambes courbaturées et meurtries l'énergie nécessaire à accomplir ce long périple. Et puis, en fin de compte, n'était-il pas celui qu'on appelait l'homme en gris ?
Un homme bizarre, taciturne, voire un tantinet effrayant aux dires de certains. Un grand gaillard efflanqué, au nez crochu, au teint hâlé et à la peau couturée de cicatrices, témoins d'un passé qu'on devinait houleux. Un vagabond, une créature solitaire, un oiseau de passage, un jour ici, un jour là-bas, à peine aperçu, déjà envolé. Un ermite, perpétuellement enveloppé de vieilles fripes élimées et recouvertes de poussière. C'est d'ailleurs ce qui lui avait valu ce surnom d'homme en gris. Mais quelqu'un connaissait-il sa véritable identité ? Lui-même n'était plus tout à fait certain d'encore s'en rappeler.
La traversée de la Hesbaye s'était révélée un véritable calvaire, la plaine écrasée par ce fichu soleil de plomb qui n'avait eu de cesse de briller de mille feux tout au long de cet été particulièrement torride. Heureusement, les vignes et les oliviers plantés en grand nombre sur cette terre oubliée de Dieu avaient eu le grand mérite de le préserver quelque peu de la chaleur accablante. Afin de subvenir à ses besoins, il avait bien réussi à dérober quelques grappes de ce raisin blanc si sucré qu'on produisait dans cette région. Malheureusement, les paysans du cru s'étaient montrés si vigilants et si prompts à lâcher leurs chiens au moindre signe d'alerte qu'il avait fallu user de moult précautions pour éviter de finir en chair à saucisse.
Quant à l'eau potable, cette denrée essentielle devenue si rare, inutile d'espérer en chaparder la moindre goutte car les rares bidons contenant le précieux liquide devaient tous être jalousement gardés sous clé, ça ne faisait pas l'ombre d'un doute. Pour s'hydrater, l'homme en gris s'était donc résigné à ingurgiter l'eau saumâtre qui stagnait encore au fond des puits presque à sec qu'il avait croisés en route. Par bonheur, son estomac, rompu depuis toujours à accueillir divers aliments et liquides plus que douteux, avait vaillamment tenu le choc, sans qu'aucune crise de diarrhée ne vienne entraver sa marche.
Tel était l'homme en gris. Inflexible quand il s'agissait d'accomplir les objectifs qu'il s'était fixé, quand bien même toutes les forces de la nature réunies conspireraient contre lui...
Son odyssée touchait à sa fin. Le soleil se couchait peu à peu au ponant, teintant le ciel de reflets orangés et violets quand il atteignit la lisière du village. Un antique panneau de métal rouillé où ne subsistaient plus que quelques traces de peinture jaune et rouge affichait toujours un nom, à demi effacé. L'homme en gris plissa les yeux et déchiffra avec peine l'inscription: Racour. C'était bien le nom de ce hameau, perdu au milieu de nulle part qu'on lui avait renseigné. Il avait réussi.
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Macrâle: itinéraire d'une sorcière de Belgique
ParanormalMacrâle: mot issu du wallon liégeois, désignant familièrement une sorcière. Mais comment devient-on Morgane la Rouge, la plus redoutable d'entre elles? Ce nom murmuré avec crainte, ce conte terrifiant chuchoté aux enfants réticents à finir leur sou...