Mon premier réflexe fut tout d'abord de courir rejoindre la sécurité des murs du château. Mais que m'était-il donc passé par la tête ? Avais-je vraiment cru pouvoir m'enfuir seule et affronter l'obscurité ? Quelle idiote j'avais été ! Il ne me restait plus qu'à rester cacher en espérant que la bataille tourne en notre faveur.
La pagaille s'était emparée des convives. Certains, affolés, s'étaient mis à courir en rond comme des poulets sans tête tandis que d'autres restaient tétanisés à côté de leurs camarades hurlant de panique. Il fallut l'intervention de Lardinnois pour ramener un semblant d'ordre au beau milieu de cette cohue.
-Que tout le monde fasse silence ! Nous allons évacuer rapidement. Vous êtes tous des civils, pas des soldats. Les troupes de L'Inquisiteur n'oseront pas vous faire du mal.
Croyait-il un seul instant à son mensonge ? Néanmoins, l'assemblée s'apaisa dans l'instant et se rassembla dignement. En un temps record et un ordre impeccable, le château de la Fraineuse fut vidé de ses occupants. Je pris place dans cette file improvisée quand une main me poussa à l'écart.
-Toi, tu viens avec moi !
Je ne comprenais pas pourquoi Lardinnois s'était soudain désintéressé de la procession qui s'ébranlait, en en confiant la garde à ses subalternes.
-Dépêchons-nous. Nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous.
Soupçonneuse, je refusai d'avancer d'un pas.
-Écoute-moi bien, petite. Je n'ai aucune envie de me mettre en danger pour sauver une idiote de ton espèce mais j'ai promis à Adalbert Föz de te conduire jusqu'à lui dès que j'en aurai l'occasion.
Je sentis mon cœur faire un bond dans ma poitrine.
-La ville est condamnée. Henrotin le savait depuis longtemps, c'est pour ça qu'il a choisi de fuir ce soir. Fuir avec le cirque est la seule option qu'il te reste si tu veux sauver ta vie.
Lardinnois m'attrapa le bras et m'emporta avec lui. Nous nous mîmes à courir à travers les arbres en prenant bien garde de ne pas trébucher contre les nombreuses racines dissimulées dans l'obscurité. Mon envie de rejoindre Adalbert et Colin me fit oublier un instant ma peur du noir.
-L'armée de l'Inquisiteur est encore à quelques kilomètres. Ils nous ont pris par surprise, mais nous avons encore tout juste le temps de nous échapper avant qu'ils ne transforment la ville en brasier.
-Et Thomas ? Où est-il ?
Je sentis le regard noir de Lardinnois me transpercer.
-Il a fait ce qu'il a pu.
Lardinnois ne voulut pas m'en dire davantage que cette réponse laconique. Son habileté et sa connaissance du terrain nous évitèrent cependant tout fâcheux incident avant d'avoir atteint le centre de Spa. Des barricades de fortune avaient été élevées dans l'espoir de contenir l'assaillant aussi longtemps que possible. Des membres de la Patrouille des Castors s'y affairaient tandis que d'autres de leurs collègues s'échinaient à convaincre les derniers civils réfractaires de fuir aussi vite que possible.
Debout au sommet d'une barricade, j'aperçus Thomas en train de donner des ordres avec une redoutable efficacité. Je courus vers lui mais il me repoussa aussitôt sans ménagement.
-Morgane ? Mais qu'est-ce que tu fiches là ? Tu devrais déjà être loin d'ici ! Va-t'en, vite !
Son injonction était sans appel.
-Allez, viens ! On n'a plus rien à faire ici !
Lardinnois était au bord de la crise de nerfs. Il désigna la flèche du chapiteau du Cirque des Rêves qui s'élevait non loin, au beau milieu du parc des Sept Heures.
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Macrâle: l'enfance d'une sorcière de Belgique
ParanormalMacrâle: mot issu du wallon liégeois, désignant familièrement une sorcière. Mais comment devient-on Morgane la Rouge, la plus redoutable d'entre elles? Ce nom murmuré avec crainte, ce conte terrifiant chuchoté aux enfants réticents à finir leur sou...