Prologue

110 7 0
                                    

Busan, Corée du Sud

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Busan, Corée du Sud.

Le hululement de la sirène annonça l'arrivée de l'ambulance à l'équipe du service d'urgence. Médecins et infirmiers de l'hôpital Sainte Marie attendaient, fébriles : dans quelques instants, la vie ou la mort d'un être humain serait entre leurs mains et ils priaient pour que leur intervention soit un succès. Ils savaient que leur patient était un homme d'une trentaine d'années, victime d'un accident de voiture. Lésions internes, tension au plus bas, hémorragie... voilà ce que leur avait annoncé l'ambulancier par radio. Manifestement, le blessé était gravement atteint.

En salle d'opération, le Dr Choi Taeha était prêt. Des corps brisés, il en avait déjà vu, mais l'aspect de celui que les brancardiers allongèrent sur la table lui arracha un cri d'horreur.

_ Bon sang, ce type est rentré dans un trente-huit tonnes à deux cents à l'heure, ou quoi ?

_ Dans un banal arbre, d'après le rapport de police. Mais il buvait une tasse de café, son téléphone portable calé contre l'épaule, tout en essayant de lire un dossier. Des témoins, dans une voiture qu'il venait de doubler, l'ont dit aux policiers.

_ Eh bien, il ne s'est pas loupé.

Sur ces mots prononcés d'un ton navré, le Dr Choi commença à travailler.

Quatre heures plus tard, il quittait le bloc opératoire, tandis que son patient, un dénommé Jeon Jungkook, était dirigé vers la salle de réanimation. Il ne restait plus désormais qu'à compter sur la robustesse de ce corps atrocement meurtri pour échapper au coma prolongé.

Tout en arrachant ses gants stériles, le médecin se dirigeait vers la salle de repos quand une infirmière l'interpella.

_ Quelqu'un voudrait vous parler, docteur.

La femme du blessé... ? se demanda-t-il, déjà mal à l'aise à la perspective d'annoncer à la famille un pronostic pessimiste. Cela le déprimait toujours, malgré sa désinvolture de façade.

_ Eh bien, allons-y ! répondit-il. Mme Jeon sera peut-être soulagée de savoir que son époux est, grâce à nous, en un seul morceau.

_ Pour ce que nous en savons, il n'y a pas de Mme Jeon, précisa l'infirmière.

Le Dr Choi poussa un soupir de soulagement, avant de se crisper de nouveau à la pensée qu'il allait s'agir sans doute d'une mère, d'un père ou d'un enfant.

_ À qui vais-je parler ? s'enquit-il avec appréhension.

_ À l'associé de M. Jeon. Un homme. En fait, nous n'avons réussi qu'à contacter ce monsieur. Le blessé a un frère à Jeju, mais M. Kim, celui qui vous attend, le préviendra. Jeon, Min et Kim, ça ne vous dit rien, docteur ?

_ La fameuse agence de publicité de Busan ?

_ Exactement.

_ Eh bien, il me semble que nous avons un V.I.P. en réanimation... qui risque de devenir un V.I.P. défunt. Envoyez-moi ce M. Kim. Je vais l'attendre aux soins intensifs : Jeon a dû y être installé maintenant.

Jungkook essayait désespérément de soulever les paupières. Que se passait-il ? Lui avait-on posé un bandeau ? Bon sang, on aurait dit que du plomb pesait sur ses yeux.

Ses yeux qui l'avaient trahi, alors qu'il conduisait la Jaguar. Ils ne lui avaient pas montré ce damné arbre. Il se rappelait très bien le coup de volant qu'il avait donné quand le gigantesque tronc s'était inscrit dans son champ de vision. Et sa dernière pensée avant le choc : trop tard.

Pourtant, il n'était manifestement pas mort. Il respirait. Non sans peine. Mais ses poumons se soulevaient. Et il percevait le battement sourd de son cœur. Donc, les secours étaient arrivés à temps. Et une veine de pendu lui avait évité le pire. Il se trouvait sans l'ombre d'un doute à l'hôpital. Pas au cimetière. Restait maintenant à faire savoir aux toubibs de génie qui l'avaient soigné que même si ça n'allait pas fort, même si sa tête menaçait d'exploser, il était en vie, et très lucide. C'était d'autant plus important que, maintenant, il entendait la voix de Kim Namjoon, vibrante d'angoisse.

— Jungkook ? Jungkook, c'est moi...

Il fallait qu'il rassure son vieux copain, sinon ce pauvre Namjoon s'évanouirait d'émotion. Il devait lui dire que les chrysanthèmes, ce n'était pas pour aujourd'hui, et que... que...

Ah, zut : Namjoon ne l'écoutait pas. Quelqu'un d'autre se trouvait dans la pièce et s'adressait à lui, racontant une histoire fumeuse de coma, de choc peut-être irréversible... Pourquoi ce type faisait-il perdre son temps à Namjoon en lui débitant cette sinistre liste d'atteintes fatales dont souffrait un inconnu ? Namjoon était là pour le voir, lui, Jungkook ! Pas pour prendre des nouvelles d'un gars qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam ! Et l'autre qui continuait, qui insistait sur le cap des quarante-huit prochaines heures à franchir, qui serait décisif... L'interlocuteur de Namjoon ne pouvait qu'être un médecin. Mais pourquoi s'appesantissait-il sur le son d'un autre de ses patients ? Il était censé s'occuper de Jeon Jungkook, non ?

Contre toute logique. Namjoon écoutait, puis posait des questions. À croire qu'il perdait les pédales à son tour : tout à coup, il s'intéressait à l'état de santé de cet inconnu, et demandait si on avait récupéré ses affaires personnelles... Non, mais, qu'est-ce que Namjoon avait à faire d'une chaîne en or, dont le toubib lui disait qu'il allait la lui remettre ?

_ C'est son frère qui la lui a offerte, vous comprenez, docteur Choi, disait Namjoon. Il avait fait graver une drôle de phrase au recto du médaillon : « Celui qui, au seuil de la mort, possédera le plus de jouets sera le vainqueur. » Jungkook y tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Jungkook... ? Mais c'était lui, Jungkook ! Et c'était à lui, Jungkook, que Seokjin avait donné ce bijou. En gage d'affection, mais aussi pour se gausser de l'obstination de son frère à gravir tous les barreaux de l'échelle menant à la fortune. Depuis leur enfance, ils étaient en compétition, et c'était lui, Jungkook, qui l'emportait désormais d'une courte manche.

Mais son frère profiterait de son immobilisation à l'hôpital pour reprendre l'avantage. Il l'imaginait déjà se moquant de lui, l'accusant d'être toujours pressé, de faire dix choses en même temps. Comme en cet instant où, tout en pensant à son frère, il écoutait la conversation fumeuse du médecin avec Namjoon.

Oui, il l'écoutait... mais il n'en comprenait plus un traître mot ! Les voix semblaient passer au travers d'un tampon d'épaisse ouate. Que se passait-il ? Namjoon et ce Dr Choi murmuraient-ils ? Ils paraissaient s'éloigner ; seul un vague écho lui parvenait. Quelle étrange sensation ! D'autant plus troublante qu'il y avait cette subite lumière... Ses paupières demeuraient closes, et pourtant, il voyait une clarté limpide... blanche dans un premier temps, puis bleu pâle. Comme le ciel. Et il discernait des nuages ! Oh, là ! Les effets de l'anesthésique le déboussolaient, et il souffrait d'hallucinations. Et pendant ce temps, ce toubib continuait de bassiner Namjoon avec cette histoire de coma profond, de traumatisme crânien de cet autre type...

À croire qu'il n'existait pas, lui !

L'ange gardien - JIKOOKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant