IMPOSTURE SANS FAUTE - Tome 1 -

Chapitre 9 : La mode

Dans l'embrasement de l'après-midi, les pavés anciens de Paris se paraient d'une aura dorée, tandis que Jacob et Gabriel, tels des guides dans ce labyrinthe urbain, menaient Aeri à travers l'effervescence du centre commercial. Leur quête ne souffrait d'aucune ambiguïté : métamorphoser cette étrangère en une véritable muse de l'élégance parisienne, un défi presque aussi complexe que de percer les voiles des mystères qui l'enveloppaient.

Aeri, dont la grâce innée trahissait ses origines surnaturelles de loup et de sirène, avançait avec une élégance qui faisait écho à son ignorance des tendances actuelles. Ses prunelles, d'un bleu abyssal, étincelaient d'une curiosité teintée d'une légère inquiétude. Sa parole, empreinte d'une douceur ferme, chaque syllabe pesée avec délicatesse, révélait son éloignement du français contemporain.

"Je vous conjure de pardonner mon ignorance, messieurs," articula-t-elle en rectifiant le col de son habit désuet, "mais je redoute de ne point appréhender avec exactitude les finesses de ce que vous nommez 'la mode'. Auriez-vous l'amabilité de m'initier à ce pilier de votre culture?"

Jacob, dont les yeux scrutateurs et l'allure confiante inspiraient le respect, lui adressa un sourire apaisant. "La mode, Aeri, transcende la simple question vestimentaire. Elle est l'écho de notre âme, un dialecte muet qui dévoile notre essence à ceux qui savent observer."

À ses côtés, Gabriel , le vampire à la carnation diaphane contrastant avec la ténèbre de ses atours, acquiesça. "C'est aussi un art, une sorte de sorcellerie capable de transfigurer l'ordinaire en merveilleux. Nous t'enseignerons l'art de captiver les regards, d'ensorceler les sens."

La boutique, un sanctuaire de l'opulence, s'ouvrait devant eux comme un coffre aux trésors des temps modernes. Les miroirs, témoins silencieux, renvoyaient l'éclat des luminaires, créant un ballet de lumières et d'ombres où les mannequins de cire semblaient prendre vie. Aeri, l'âme de la mer et de la forêt, observait avec une attention presque sacrée chaque étoffe, chaque fil, chaque teinte qui se dévoilait à elle, comme si elle cherchait à en percer les secrets les plus intimes.

Jacob et Asher, dans leur quête pour vêtir Aeri d'une modernité qui seyait à son statut de créature mythique, ne se contentaient pas de simples robes ou de bijoux éphémères. Ils cherchaient à lui offrir une armure de tissus qui parlerait de qui elle était vraiment, qui raconterait son histoire sans mots.

Ils déambulaient entre les rayons, effleurant du bout des doigts les pulls à capuche aux couleurs vives, les jeans déchirés qui parlaient d'une liberté rebelle, les vestes en cuir qui murmuraient des histoires de nuits sans fin. Chaque pièce était un symbole, chaque accessoire une clé vers un monde où Aeri pourrait être à la fois la chasseresse et la protectrice, la sirène et le loup.

"Regarde cela, Aeri," proposa Jacob en présentant un sweat à capuche d'un rouge profond, la couleur de la passion, de la force. "Ceci n'est pas qu'un simple vêtement, c'est un étendard, un moyen de proclamer ta présence au monde."

Asher, quant à lui, sélectionna un ensemble de bracelets en cuir et métal, des ornements qui évoquaient la robustesse des guerriers et la finesse des poètes. "Ces parures," expliqua-t-il, "ne sont pas de simples décorations. Elles sont le reflet de ta dualité, de ta sauvagerie contrôlée, de ta grâce sous-jacente."

Aeri, touchée par la profondeur de leur compréhension, se laissa guider par leurs choix. Elle essaya les vêtements, les uns après les autres, chaque nouvelle tenue révélant une facette différente de son être. Le sweat à capuche la transformait en une figure de la nuit, mystérieuse et indomptable. Un t-shirt orné d'un loup hurlant à la lune parlait de sa lignée ancestrale, tandis qu'une jupe fluide évoquait la fluidité de ses mouvements aquatiques.

Au fil des heures, la boutique se transforma en un théâtre où Aeri était à la fois l'actrice et le spectacle. Les vêtements étaient des costumes, les cabines d'essayage des coulisses, et les miroirs des spectateurs silencieux de sa métamorphose.

Lorsqu'ils émergèrent finalement de la boutique, les bras chargés de sacs, le ciel commençait à s'assombrir, annonçant l'arrivée de la nuit. Aeri, vêtue de ses nouvelles parures, était prête à affronter le monde, armée de la confiance que ses nouveaux alliés lui avaient offerte. Ensemble, ils s'aventurèrent dans les rues de Paris, prêts à découvrir les mystères que la nuit leur réservait, unis dans leur quête et forts de leur nouvelle alliance.

Après moult essayages, Aeri se métamorphosa dans une toilette noire ajustée, sublimée par un sautoir d'argent évoquant les ondulations marines. Sa chevelure, jadis négligée, ondulait désormais en flots soyeux le long de ses épaules, encadrant son visage avec une précision d'orfèvre.

"Vous m'avez sculptée en une effigie vivante," s'exclama-t-elle, un sourire cryptique ourlant ses lèvres. "Je me sens armée pour braver les regards, pour conquérir les cœurs."

Gabriel et Jacob  échangèrent une œillade complice. Ils avaient atteint leur objectif, mais ils étaient conscients que derrière le voile de l'élégance, Aeri dissimulait des secrets bien plus obscurs, des énigmes qu'ils brûlaient de déchiffrer. Alors que le crépuscule commençait à draper la cité de ses ombres, le trio s'éclipsa du centre commercial, unis pour relever les défis que leur réservait la Ville Lumière.