"Allez, tout va bien se passer tu verras ! Tu vas te faire plein de nouveaux copains, tu vas apprendre plein de choses ! Tu vas t'amuser tu verras." me rassure maman.
"J'ai peur d'être loin de vous. Si j'ai besoin d'aide ? Comment je fais ?"
"C'est comme tout Freyja, il faut apprendre à marcher seule car nous ne serons pas toujours là pour te tenir la main." me dit papa en me laissant à l'école.
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2 avril 2011, Agde
Je viens d'entrer à l'école maternelle. Mon père a fait des pieds et des mains pour que je puisse venir en cours d'année, pour mes 3 ans.
Je suis assise au fond de la salle, sur un banc minuscule. On apprend les saisons, les lettres, les jours de la semaine... Mais moi je m'ennuie, je connais déjà tout. J'ai du apprendre car je dois être la meilleure ! Les autres enfants me regardent bizarrement et je ne sais pas pourquoi : je réponds aux questions de la maitresse, je ne pleure pas, je ne crie pas. Je fais tout ce que papa et maman m'ont appris. Je respecte les règles.
Pourtant les autres enfants sont sales, hurlent, débordent lors des coloriages et n'écoutent pas la maitresse.
Pendant les temps de jeu, je m'ennuie car je n'ai pas de copain. Ils ne me connaissent pas. Ils ne m'aiment pas. Ils ne me regardent pas. Je voudrais jouer au docteur, alors je demande au garçon qui l'utilise de me le prêter un peu. Il refuse et part en me bousculant. Je ne comprends pas pourquoi il ne partage pas comme on me l'a appris.
Je suis seule, sans papa, sans maman. Sans personne pour me dire ce que je fais de travers. Pourtant la maitresse me sourit, me donne des bons points. Donc je me dis que les enfants sont bizarres et je reste alors avec les adultes.
Lors de la récréation, tous les enfant se disputent pour avoir les ballons, les trotinettes et les vélos. Moi je vais au tobogan. J'attends mon tour, sagement. Noah, un garçon de grande section me double alors je l'arrête : "J'attends pour y aller. Tu peux te mettre derrière moi si tu veux." Je commence à gravir le mur d'escalade et là, Noah me passe devant. Il va plus vite que moi. Mais je dois être la meilleure comme a dit papa. Alors je vais plus vite, je le rattrape....et il accélère lui aussi, mais son pied dérape et vient tout droit sur mon visage. Je tombe au sol. Je me fais gronder parce que je suis allée trop vite.
Je pleure car j'ai échoué et j'ai déçu un adulte. J'ai perdu.
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7 juin 2011, Agde
Appoline est ma nouvelle copine avec Adame. Ils sont en moyenne section mais on a la même maitresse donc la même classe. Ce sont les seuls enfants à jouer au docteur alors nous sommes devenus copains. Je suis leur amie mais ils font des choses bizarres eux aussi : ils s'embrassent dans le wagon du petit train pendant la récréation :
La sonnerie sonne. On va tous les trois dans le wagon fermé du petit train. On demande à un enfant de s'assoir devant l'ouverture pour ne pas être vus. Appoline et moi nous allongeons et Adame s'allonge sur Appoline. Pendant que mes deux nouveaux amis s'embrassent, j'attends, ne sachant pas si ce qu'ils font est bien ou mal.
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12 juin 2011, Agde
Appoline n'est pas là. Elle est malade : elle tousse, elle est brulante. Alors on joue au docteur seulement à deux. On fait la récréation seulement à deux.
Dans le petit train, pour la première fois, nous ne sommes que deux. Je m'allonge comme d'habitude, mais Adame s'allonge cette fois sur moi : "Je veux t'embrasser Freyja, comme avec Appoline mais elle je ne l'aime pas." Je ne veux pas qu'il me touche. Il est bizarre et je ne veux pas prendre le risque de me faire gronder.
Il se met au dessus de moi mais je relève brutalement mes genous par reflexe. Je n'ai pas fait exprès. Il se cogne au plafond du wagon et cri légèrement de douleur. Je m'excuse et je lui dis que j'ai envie d'aller aux toilettes.
Mais il me suit.
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Le temps d'une vie
Non-FictionOn dit souvent qu'une personne est le résultat de ses expériences passées. Espérons que Freyja saura se construire autrement qu'en suivant les exemples qu'elle a eu... Car ce serait pitoyablement catastrophique.