Recueil de textes courts / poèmes

Journée Orageuse

[A lire en écoutant "Experience" de Ludovico Einaudi]

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Je le regarde s'éloigner, sous l'orage, pantoise. Il me laisse seule avec ma peine qui ruissèle dans mon âme, comme cette pluie battante sur mon visage. Je n'ai rien su dire lorsqu'il a souhaité s'en aller. Pourquoi aucun son n'est sorti de ma bouche ?

L'eau coule sur mon corps comme pour nettoyer mes regrets mais son doux sourire s'impose à mon esprit tandis que mes pupilles ne peuvent se détacher de ce dos musclé qui prend ses distances, de plus en plus. A mesure que ses pas l'emmènent loin de mon amour, notre passé danse dans ma tête et me donne le tournis. Ses mains sur moi, ses lèvres dans mon cou, nos éclats de rire, nos regards langoureux, notre complicité...

Il est tout pour moi, comment imaginer ma vie sans lui ? Je ne comprends pas sa décision. Et alors que je réalise petit à petit ce qui arrive, mon palpitant s'accélère, refusant d'admettre l'abandon qui vient de nous tomber dessus.

Je ne veux pas qu'il s'en aille, j'ai besoin de lui, il est mon oxygène. Alors, soudain, mes pieds s'actionnent sous les battements puissants de mon coeur et je lui cours après, accompagnée des flash de notre histoire qui me poussent à accélérer, encore et encore.

Son rire résonne en moi comme une mélodie d'été, joyeux et envoutant. Ses yeux pétillants surgissent dans ma tête, sa voix rauque bourdonne dans mes oreilles et se mélange aux battements frénétiques de mon coeur qui s'affolent.

Je suis à bout de souffle au bout de deux foulées, mais qu'importe, je dois le rattraper, je dois lui dire à quel point il compte ! Je n'ai pas su le retenir quelques minutes auparavant, mais son air abattu me revient subitement en mémoire et agit comme un moteur sur mes jambes fatiguées.

Je cours, de plus en plus vite. Je manque de m'écrouler à chaque pas, mais je tiens bon, pour lui, pour nous. Je ne peux pas abandonner, pas avant d'avoir essayer.

Mes larmes se mêlent à la pluie, mon coeur hurle de douleur. L'effort ? L'abandon ? Les deux. J'accélère. Encore. Et encore. Mon palpitant tiendra-t-il la distance dans cette course effrénée après l'amour, mon amour ?

J'ai envie de crier son nom, mais je manque cruellement de souffle.

J'y suis presque. Plus que quelques centimètres me séparent de lui. Je ralentis, tente de reprendre une contenance.

Bientôt j'arrive à sa hauteur. Je lui attrape le bras et, lorsqu'il se retourne, les yeux emplis de larmes, je plante mon regard humide dans le sien, le suppliant silencieusement de rester. Saura-t-il lire en moi, comme il l'a fait des années durant ?

Je pose mes mains sur ses joues trempées. Mes longs cheveux dégoulinent de cette pluie qui ne cesse de s'abbatre sur nous. Nul ne saurait déceler les larmes qui coulent sur mes joues mouillées tant la météo est impitoyable.

Reste, suppliè-je, le souffle court. J'ai besoin de toi, je murmure, comme un secret.
Je me hisse sur la pointe des pieds et dépose délicatement mes lèvres sur les sienne. Il ne réagit pas.  Je le sens si proche, et pourtant si loin. Ses bras restent le long de son corps, tandis que je m'accroche à sa nuque, allégorie de notre couple qui subit l'orage du temps. Lui qui s'avoue vaincu, moi qui me rattrape à nos souvenirs.

Ses mains viennent enfin enlacer ma taille, et dans mon corps tout s'emballe. Autour de nous, plus rien n'existe. L'orage crée une bulle d'eau nous enveloppant de douceur et je me sens revivre. Lorsqu'il pose ses lèvres sur les mienne, mon coeur repart dans une course déchainée, inarrêtable.

Le monde autour s'évanouit, nos corps ne font plus qu'un.

L'orage se calme enfin, aussi vite qu'il est apparu et je retrouve les visage rayonnant de l'amour de ma vie.