MES TRUCS MOCHES

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c'est fin, c'est bombé, c'est pas lisse, c'est pas de la bonne couleur, c'est moche, irrégulier, on le sent quand on caresse ma peau, on le voit quand on est assis à côté de moi. alors on plisse les yeux, on est pas sûr de bien distinguer, de bien sentir, on scrute, on repasse ses doigts sur mon cou, mes bras, ma main, juste pour être sûr. et puis c'est bien là, alors on réalise, on lève les yeux, on me regarde, on a peur, on est triste, on a pitié. ça fait peur parce qu'il y a toujours quelque chose derrière et on veut savoir pourquoi et puis comment, le début de l'histoire, peut-être la fin. et moi je comprends pas parce que c'est mon corps et son histoire, ma réalité et puis surtout c'est moi quoi.

alors faudrait dire que mes cicatrices sont des tatouages sans encre, et que, merde, elles sont aussi jolies que des dessins conventionnels, et que moi je les aime bien et qu'elles ont la forme des gouttes de pluie.

elle sont juste un truc en plus, c'est un truc moche à moi, avec mes dents de chien, mes yeux qui laissent passer des camions, mon nez-vague tordu, mes os qui sortent, ma peau de javel, mes ongles arrachés, mon sourire cassé, mon ventre vide, mes poils végétaux, mes trous dans les bras et mes genoux bleus. c'est mes trucs moches à moi que personne n'a.

puis 'y a encore une ou deux lames de tailles-crayons plantées dans mon cerveau grésillant, et c'est dégueulasse parce que ça gicle et que ça fait une flaque dans ma tête. c'est pas joli, ça dérange, c'est moi et puis sans doute trop, je dépasse, je déborde, et je suis pas si désolée que ça en fin de compte. et puis comme c'est beau et poétique un corps laid.

stupidityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant