Highlander

Été 53

Sur son passage, la vieille Alvis 12/50 soulevait d'étouffants nuages de poussière dans les landes du nord des Highlands. Avec la capote abaissée, l'épaisse fumée aurait pu être incommodante pour la passagère si elle n'avait pas été équipée de ses lunettes papillons blanches et de son châle assorti qui protégeait ses cheveux. La jeune femme faisait abstraction de l'inconfort du voyage en savourant les caresses du vent sur sa peau, que le souffle tiède de la route raffraichissait. Les sensations n'étaient pas comparables à celles éprouvées sur un balais, mais dans les circonstances actuelles, la voiture réconfortait un peu le manque de vitesse dont elle souffrait.

C'était la fin du mois de juin et il faisait chaud. Très chaud. Après les tempêtes qui avaient ravagé les côtes cet hiver, l'humidité s'était comme retirée du pays pour le laisser bien plus sec qu'il n'aurait dû l'être. Mais Minerva saurait s'accommoder à ces conditions météorologiques particulières. Adaptabilité était le mot d'ordre qui avait dicté sa conduite depuis le plus jeune âge. Que ce soit la canicule ou le prolongement d'une nuit sans fin qui frapperait cet été, elle avait deux objectifs très précis, et rien ne l'en détournerait.

Elle avait beau apprécié le format de ce voyage, l'aînée des McGonagall fût soulagée lorsque le véhicule s'arrêta dans la cour de gravier du domicile familial. Ses jambes, engourdies par le poids de la caisse contenant son compagnon, avaient besoin de retrouver une circulation sanguine. Le chauffeur, fût remercié chaleureusement d'avoir ramené Minerva chez elle depuis la gare et avec un enthousiasme poli, elle se jeta au cou de son père venu l'accueillir sur le perron.

Voilà près d'un an qu'elle n'avait pas revu son paternel. Afin d'assurer sa réussite aux examens, Minerva s'était privée de vacances scolaires cette septième année pour rester étudier à Poudlard.

L'humble foyer de son enfance n'avait pas changé d'un pouce. La bâtisse en pierre, qui surplombait le jardin se jetant dans la forêt, proposait une fraîcheur bienvenue sous ces températures. Tout comme la maison, son père ne changerait pas. Ou du moins, il ne changerait plus. Minerva avait eu deux papas, celui avant, et celui après la réception de sa lettre d'acceptation à l'école de magie. Le choc de découvrir que sa fille aînée, et par la même occasion la femme qui partageait sa vie depuis de nombreuse années, étaient des sorcières, avait été un coup que n'importe quel protestant de sa profession aurait eu du mal à encaisser. Sept ans maintenant qu'il essayait de faire bonne figure pour l'amour de ses femmes, mais sa condition de moldu, assise sur des principes conservateurs bien ancrés, avait souffert de cette révélation.

Quand Minerva refusa son assistance afin de monter ses bagages à l'étage en usant de magie, il détourna le regard comme à son habitude. La curiosité ne l'avait jamais gagné suffisamment pour s'ouvrir à leur monde et il se contentait de le tolérer sans pour autant se l'approprier. Sa fille avait libéré leur vieux chat, lui aussi content de retrouver son terrain de chasse favori, et elle avait commencé à lui raconter avec mesure, les grandes lignes de sa fin d'année. Lorsque sa mère rentrerait, la discussion serait alors bien plus développée, ce qui sonnerait pour lui le moment de se retirer.

Dans sa chambre d'enfant, Minerva avait défait ses affaires du sort de rapetissage pour les ranger sans un pli dans ses placards. Au moment de placer son balai sur son support, elle hésita un instant. De toutes ses possessions, son Manchevif dernier cri, qui lui avait été offert lors de sa promotion en tant que capitaine de l'équipe des Gryffondors, était celui qu'elle chérissait le plus, tout en le redoutant désormais.

Minerva passa ses premières journées enfermées à la maison sur ses dossiers d'admission au ministère, ce qui suffit à lui faire perdre le peu de couleur de son teint et inquiéter ses parents, au point que sa mère dû recourir à la magie pour l'expulser à l'extérieur de huit heure du matin à dix-sept heure le soir.