Je me réveille ce matin là avec un mauvais pressentiment : la journée va être horrible.
Je reste quelques minutes à fixer le plafond mal peint de ma chambre. Une journée de merde. Encore une.
Je me lève douloureusement et m'habille. Je contemple un instant les estafilades qui couvrent mon avant bras. Je passe mon doigt sur la plus récente. Puis je rabats ma manche dessus et passe à autre chose.
Je vais prendre un petit déjeuner avec mes parents et ma sœur, Athéna. Athéna comme la déesse grecque de la sagesse. Athéna, quatre ans de moins que moi et pourtant bien plus sage et intelligente. Athéna et ses parfaits cheveux noirs et lisses. Athéna et ses yeux si clairs qu'ils en paraissent blancs. Athéna et son bonheur si parfait. Athéna, tout ce que je ne suis pas.
Ses lèvres roses s'étirent dans un sourire en me voyant arriver. Je lui rends tant bien que mal et me laisse tomber sur ma chaise. Ma mère dépose une tartine recouverte d'une épaisse couche de confiture dans mon assiette. Je marmonne un remerciement mais je détourne les yeux, écoeurée à la simple vue d'une quelconque nourriture. Je sens le regard tracassé de ma sœur sur moi, je ne me retourne pas. Je sais ce qu'elle pense.
Après avoir réussi à ingérer quelques miettes de pain, je retourne dans ma chambre. Je passe quelques coups de brosse dans mes cheveux désordonnés puis me laisse tomber sur mon lit. J'attrape mon téléphone et enfonce mes écouteurs dans mes oreilles.
C'est un SOS, je suis touchée, je suis à terre.
Entends-tu ma détresse, y a-t-il quelqu'un, je sens que je me perds...La chanson reflète parfaitement mes sentiments. Je laisse mon esprit divaguer sur la musique.
Je ne saurais dire combien de temps est passé quand Athéna entre timidement dans ma chambre.
- Chloé ? hésite-t-elle. C'est l'heure...
- J'arrive.
Mais elle ne part pas et vient s'asseoir sur mon lit. Son regard est inquiet.
- Quelque chose ne va pas ? Tu as l'air triste...
- Ne t'en fais pas, je la rassure. Je suis juste... très fatiguée.
Elle n'a pas l'air convaincue mais n'insiste pas, ce dont je lui suis reconnaissante.
Je prends mon sac et descend dans le salon.
Je suis rien, je suis personne
J'ai toute ma peine comme royaume
Une seule arme m'emprisonne.Le bus est déjà là quand nous arrivons à l'arrêt. Nous courons pour l'attraper puis nous asseyons côte à côte.
- De justesse ! s'exclame Athéna en me faisant un grand sourire.
Sourire que je lui renvoie tant bien que mal. Et qui fait disparaitre le sien.
- Chloé, déclare-t-elle en me fixant droit dans les yeux. Je vois bien que quelque chose ne va pas. Pourquoi ne veux-tu rien me dire ?
Son regard pâle et son ton suppliant me mettent mal à l'aise. Mais je ne peux pas lui dire, elle ne comprendrait pas. Elle est trop jeune. Je ne peux pas lui dire tout ça...
Les coups.
Les insultes.
Les disparitions d'objets.
Le trou sombre où je tombe.
Le vide abyssal.
La peur, la détresse, la peine, la douleur.
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Vivre Tue
Teen FictionLa vie (n. f.) : maladie génétique hautement contagieuse contractée par l'ensemble des êtres pouvant évoluer (animaux, végétaux...). Elle se répand de plus en plus vite et peut occasionner des troubles à l'échelle mondiale aussi bien que personnelle...