Chapitre 1

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ZACKIEL

Ma source est sûre d'elle et elle a plutôt intérêt à avoir raison, parce que je ne lui ferais pas de cadeau dans le cas contraire. Selon ses dires, la cible à abattre, se trouvera demain soir à un de ses bars que l'on trouve en ville. L'écarlate, un endroit plutôt fréquenté le week-end, surtout par des étudiants pétés de thune, mais très peu en pleine semaine. Et cela tombe à merveille, demain nous sommes jeudi. L'écarlate, quelle ironie, ce nom sonne parfaitement bien avec le crime que j'ai prévu. Écarlate, comme le sang qui s'écoulera de ses blessures.

J'ai déjà tout planifié. Tout se fera rapidement et sans encombre. Je n'ai aucun temps à perdre. Et il est hors de question que je reste plus de cinq minutes avec ma cible. Il n'est pas dans mes habitudes de discuter avec quelqu'un condamné à mort. Et encore moins lorsque c'est moi qui décide entièrement de son sort.

Assis sur la chaise en face du bureau de Rob, je croise les bras en fixant un des tableaux accrochés derrière lui. Le bruit du stylo qu'il tient entre ses doigts et des feuilles qu'il tourne et déplace prouve une chose : il ne semble pas vouloir me donner de l'attention pour le moment. Mais qu'il en soit ainsi. Il ne pourra pas m'ignorer bien longtemps et me laisser ici toute la sainte journée, enfin, j'imagine et l'espère.

Le tableau est légèrement incliné sur la droite, ce qui a le don de légèrement me tendre. J'aime que les choses soient parfaitement rangées à leur place et droites lorsqu'il le faut. Comme ce putain de tableau moche. Je ne sais même pas ce qu'il représente. De l'abstraction. Un mélange de jolies couleurs rendant le tout bien trop horrible pour que ce soit agréable à regarder. Quel gâchis. Je n'ose même pas deviner le prix de cette toile, et de celles à côté. Un beau ramassis d'argent jeté par la fenêtre.

Je me lève, il faut bien que quelqu'un remette cette horreur droite. Mais alors que je m'apprête à passer derrière le bureau du patron, ce dernier fait claquer sa langue à son palais, ce qui me fait stopper tout mouvement. Je lui jette un regard afin de vérifier si son attention est sur ce que je fais, et je remarque que c'est bel et bien le cas. Si j'avais su plus tôt qu'il fallait avoir envie de replacer une toile, je l'aurais fait bien avant. D'un geste, il m'invite à me rasseoir en face de lui. Mon esprit maniaque ne sera pas comblé aujourd'hui, je me rassois sans rien dire.

– Pourquoi tu es ici déjà ?

Je suis persuadé qu'il fait semblant d'avoir oublié, mais je n'ose pas lui faire la remarque.

– Pour demain.

– Oh, oui, demain. Si tu penses que ta décision est la bonne, tu as mon autorisation. Tu as besoin de coéquipiers ?

– Non, dis-je en secouant la tête. Je veux me faire discret, et je pense que je suis le seul à pouvoir gérer ça. C'est une vengeance dont j'ai décidé seul, il est hors de question que je fasse mobiliser des gens pour ça.

Il hausse les épaules et met quelques secondes avant de me répondre.

– Je te laisse gérer seul. Tâche de ne pas faire de connerie, c'est tout ce que je te demande.

– Je saurais me contenir.

– Bien sûr Zackiel

Je devine à son ton que j'ai plutôt intérêt à me tenir à carreaux et à faire ça dans le respect de l'art que l'on m'a appris. L'art de tuer sans que ça ne ressemble à une boucherie. Je ne dois pas me laisser emporter par mes émotions. Jamais. Les émotions doivent cesser d'exister lorsque l'on tue. C'est comme ça, c'est ce qu'on apprend. Et une des choses à faire lorsque l'on doit ôter la vie, est de déshumaniser la personne en face. Mais ça, demain, je n'en aurais pas besoin.

L'Ombre de nos cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant