La révélation d'Abélianne stupéfia les trois interlocuteurs de la jeune femme, qui ne soupçonnaient nullement cela.
Tous trois eurent le même réflexe surpris que de poser les yeux sur le portrait de famille exposé au-dessus de la cheminée en se concentrant plus particulièrement sur la jeune fille encadrée parses deux parents, qui gardaient tous deux une main sur chacune de ses épaules.
Même si son visage d'adolescente possédait des traits encore juvéniles, que son teint était rosé, ses cheveux, réunis en chignon, blonds et ses yeux bleu-vert, il s'agissait indéniablement d'Abélianne quelques années auparavant, avant le Déchus et avant le sanatorium. Gaëlan et Ysandre remarquaient même quelques ressemblances entre elle et le visage sévère de la femme à ses côtés, sa mère.
Toujours sous le coup de la surprise, ils revinrent poser le regard sur Abélianne, qui conservait son attitude stoïque habituelle, ne montrant rien.
Ils peinaient à réaliser pleinement ce que la jeune femme venait de leur annoncer et ce que leur présence en ces lieux, le retour d'Abélianne dans la demeure de son enfance, impliquait pour elle.
Même si Nigel et Gaëlan n'en savaient guère sur le passé d'Abélianne, moins qu'Ysandre tout cas, ils avaient vu le sanatorium et l'état de la chambre qu'elle avait occupée. Ce n'était certainement pas un endroit où abandonner sa fille adolescente en pleine détresse. Abélianne ne devait certainement pas souhaiter revoir ceux qui l'y avaient envoyée, même Nigel le devinait. Quant à Ysandre, grâce à ses capacités partiellement angéliques, il percevait la colère, la détresse et la crainte qui se mélangeaient dans le cœur d'Abélianne pourtant, elle ravalait tous ces sentiments et elle en avait fait abstraction. Elle n'avait même pas hésité.
Comprenant subitement toutes les implications de se tenir ici pour Abélianne, Nigel s'exclama :« Attend, les mêmes parents qui t'ont laissée dans ce sanatorium affreux ?
- Voudriez-vous dire que vous êtes la fille de Huges et Fannyba De Rosamire, celle qui a disparu depuis des années ? Saisit Gaëlan. Personne n'a jamais vraiment su ce qu'il s'était passé mais beaucoup y sont allés de leur hypothèse.
- Je suis certaine que personne n'a jamais supposé qu'elle courait le monde avec une bande de mercenaires, lança Abélianne. Mais oui, tout ce que vous voyez autour de vous aurez dû me revenir en héritage mais mes parents m'ont reniée, il y a déjà bien longtemps, au profit de mes cousins probablement. J'en ai quelques uns dont la vie est plus honorable que la mienne.
- T'es passé au-dessus du fait que tes parents t'ont foutue dans un sanatorium parce que Lysange avait besoin d'aide, je vois pas ce qu'il y a de plus honorable ! Défendit Nigel.
- Abby, t'étais pas obligée de revenir ici. Assura Ysandre.
- Si, il le fallait, le contredit Abélianne. Nous n'avions pas d'autres moyens de sauver Lysange. Je n'abandonne pas les miens.
- En tout cas, on est là pour toi. »
Sourit Ysandre à Abélianne avec son expression lumineuse et rassurante, qui réchauffa la jeune femme mais qui ne dissipa pas la tension nouant ses épaules.
Manifestant également son soutien envers sa camarade, Nigel vint l'étreindre avec un manque de manière qui la gêna légèrement. De son côté, il ne comprenait pas vraiment toutes ces histoires d'honneur ,lui-même ne pensait pas réellement en avoir, après tout, en ayant vécu une existence d'enfant des rues et de voleur puis de mercenaire, il ne voyait pas comment il aurait pu avoir la moindre once d'honneur, mais ça semblait importer à toutes ces grandes familles, comme celle dont était issue Abélianne, mais cette dernière paraissait affectée par l'idée que ses parents la considéraient comme une source de déshonneur. Sans compter que, d'après le visage grave de Gaëlan, qui, lui, saisissait le fonctionnement des lignées nobles, ce n'était pas anodin.
Ne sachant pas vraiment comment montrer son soutien à Abélianne, pas suffisamment proche de la jeune femme pour se permettre de la prendre dans ses bras, également retenu par les mêmes règles de bienséance qu'elle, Gaëlan se contenta d'un hochement du menton amical pour lui assurer qu'elle n'était pas seule.
La tension qui pesait sur Abélianne ne s'apaisa pas mais ne pas se sentir seule l'aida à repousser son appréhension, du moins, jusqu'à ce que la porte s'ouvre soudainement, tenue par le garde gradé qui les avait amenés jusqu'à ce salon, pour livrer le passage à deux personnes.
Malgré l'heure tardive, ou peut-être précoce, tous deux avaient visiblement pris le temps de s'apprêter, n'allant pas se présenter à leurs visiteurs en tenue de nuit, ça aurait été indécent, mais ils semblaient néanmoins s'être vêtus à la va-vite à en juger par la chemise mal rentrée dans le pantalon de l'homme et les plis apparents sur la robe et la longue veste de soie de la femme.
Exceptés leurs vêtements et leur posture, ils étaient parfaitement identiques au portrait au-dessus de la cheminée, comme si l'expression sévère qui figeait leur visage ne quittait jamais leurs traits et les avait conservés, les préservant de la moindre ride, notamment celles qui apparaissaient avec les sourires. Seuls leurs cheveux légèrement grisonnants évoquaient les années écoulées depuis la réalisation du tableau.
Leur regard, aussi dur l'un que l'autre, se riva sur Abélianne au centre du salon et plus particulièrement sur la manière, certainement fort inconvenable, dont Nigel l'enlaçait toujours, un bras autour de ses épaules et sa joue presque collée à celle de la jeune femme, à moitié courbé en deux. Sang de Vampire, lui, cligna des paupières à plusieurs reprises, se demandant quel était le problème.
Le repoussant doucement, Abélianne fit face à ses parents en avançant d'un pas dans leur direction.
Effrayée par le mouvement de la jeune femme vers eux, Fannyba eut un mouvement de recul mais elle se reprit très rapidement. C'était la première fois qu'ils revoyaient Abélianne depuis qu'elle n'était plus totalement humaine et les changements physiques qu'elle avait subis étaient particulièrement impressionnants, certainement les plus choquants parmi les Déchus, mais, à nouveau, Fannyba camoufla prestement son trouble sans plus rien en laisser paraître.
Ne manifestant pas plus d'émotion que ses parents, Abélianne se fendit d'une révérence courtoise et distante en un respect parfait de l'étiquette. Gaëlan eut l'impression d'assister à des salutations entre représentants de familles rivales ou ennemies qui s'obligeaient à suivre les bonnes manières par respect des convenances, pas à des retrouvailles entre des parents et leur fille.
Dès qu'Abélianne se redressa, sa mère lui décocha une violente gifle mais la jeune femme ne réagit même pas au coup, à l'inverse de Nigel. Ce dernier se tendit et s'apprêta à bondir, ne supportant pas de voir sa sœur se faire maltraiter de la sorte – on ne s'en prenait pas à sa famille – sans compter qu'il était encore sous le choc de ce qu'il était arrivé à Lysange, sur les nerfs, mais Gaëlan et Ysandre le retinrent.
Le premier savait qu'intervenir dans les affaires privées de grandes familles ne faisait toujours qu'empirer la situation. Le second percevait que Abélianne préférait qu'ils restent à l'écart cependant, sa main refermée autour du poignet de Nigel pour le retenir se desserrait légèrement alors que le jeune homme ailé hésitait. Après tout, plus tôt dans la nuit, il avait perçu le désir de Lysange de ne pas les voir se mêler de son altercation avec Inniël et, à présent, il était partiellement couvert du sang de sa sœur. Peut-être que aider les gens, ceux qu'il aimait, était également parfois aller à l'encontre de ce qu'ils voulaient.
Avant qu'Ysandre ne se décide sur le mieux à faire, Fannyba siffla en s'adressant à Abélianne, ignorant totalement ses trois compagnons à qui elle n'accordait même pas un regard.
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Le Sang des Déchus - Tome 2 : Traîtres [Terminé]
ФэнтезиAprès que Lysange ait été blessée, mettant sa vie en péril, le groupe des Déchus trouve refuge dans un lieu du passé d'Abélianne, qui dévoile alors certains de ses secrets. Heureusement, ils reçoivent l'aide d'un mystérieux personnage surnommé le Ma...