Le Sang des Déchus - Tome 2 : Traîtres [Terminé]

Chapitre 25 - Nigel et Gaëlan

Cela faisait quelques mois que les Déchus avaient été forcés de se séparer pour échapper aux poursuites mais cette durée semblait déjà atteindre des années à Nigel, tant il se sentait seul et que ses camarades lui manquaient.
De toute manière, il se ferait certainement capturer sans tarder, ne misant guère sur sa capacité ou son intelligence à se cacher.
Ces sentiments de solitude, d'égarement et qu'il devait à nouveau reconstruire sa vie lui rappelaient lorsque, à cause de sa transformation en semi-vampire,son ancienne bande l'avait chassé mais, aujourd'hui, c'était encore pire. Ces sensations le déchiraient avec une atroce douleur car il aimait ses compagnons comme une famille, celle qu'il n'avait jamais eue.
Sa fuite se faisant sans but, certainement car il se contentait d'obéir à la décision de ses compagnons de se séparer pour leur sécurité, le jeune homme avançait sans destination entête, s'éloignant seulement des siens et de Névinda. De toute façon, il ne se pensait pas capable de construire un plan de fuite.
Cette errance finit par le conduire à Eluville sur la berge de la Mer d'Elioppe mais il ne s'agissait pas uniquement d'un hasard. Malgré son manque de réflexions, Nigel savait que son seul moyen de s'en sortir était probablement de reprendre ses anciennes activités et le meilleur endroit pour exercer ses talents lui semblait être une ville riche à la réputation d'abriter la majorité des nobles du royaume. Les richesses dont s'emparer ne manquaient pas.
Cela faisait maintenant quelques jours qu'il se trouvait dans la belle cité et une nouvelle routine s'était déjà instauré pour Nigel. La nuit, il s'infiltrait dans la demeure qu'il avait choisie pour y ramasser tous les objets précieux que pouvait contenir son sac et, la journée, il se dénichait une cachette à l'abri des rayons du soleil, si nocifs pour son épiderme sensible ou bien, protégé par sa cape, il arpentait les rues pour effectuer des repérages pour ses prochains vols. Les reventes de ses butins étaient plus sporadiques et moins systématiques et il se contentait de dissimuler ses larcins à travers la ville, non pas car il craignait qu'on ne le repère etne l'arrête si il écoulait immédiatement son butin, il ne se projetait pas suffisamment dans l'avenir pour y penser, mais plus car l'appât du gain ne motivait pas ses actes. Voler était une habitude qu'il avait développée pour survivre à Kaleth et qui avait peu à peu fini par s'ancrer dans sa personnalité, ce qui l'avait d'ailleurs poussé à choisir le surnom de Voleur parmi les Déchus.
Dire que l'argent ne l'attirait pas aurait été mentir mais ce qu'il appréciait réellement était l'idée de prendre à des puissants qui se pensaient intouchables et en sécurité, de s'emparer des richesses qui symbolisaient justement leur puissance et, surtout, la décharge d'adrénaline qui parcourait ses veines lors de ses larcins en l'électrisant,c'était ce qui le stimulait véritablement.
Camouflé par les ombres nocturnes, électrisé par cette même adrénaline qui montait lentement, Nigel avançait doucement dans le couloir de l'élégante demeure qu'il avait sélectionnée pour y commettre son vol du jour.
D'après ce qu'il avait pu apprendre en se renseignant dans la journée, elle appartenait à une famille de l'aristocratie locale qui entretenait de forts liens avec le régent de la ville. La réputation et l'influence dont jouissait cette famille n'intéressaient guère Nigel, contrairement à ses richesses.
A en juger par le magnifique cadre orné de dorures qui entourait l'imposant portrait de famille qui accueillait les visiteurs dans le hall, la nuit serait certainement particulièrement fructueuse.
En passant devant la peinture, qu'il distinguait vaguement grâce aux quelques lueurs de la ville qui filtraient à travers les fenêtres et son habitude à évoluer dans l'obscurité, il lui sembla qu'il avait déjà croisé les visages représentés sur le tableau mais il ne se souvenait pas d'une éventuelle rencontre cependant, il ne s'interrogea guère sur le sujet et poursuivit son exploration.
Arrivant dans un petit salon, il récupéra les bibelots et autres chandeliers qui décoraient la pièce pour en remplir son sac. Les sens aux aguets, il s'empara de tous les objets qui attiraient son regard dans l'obscurité sans rencontrer le moindre problème. La demeure se révélait tellement calme que Nigel aurait pu croire qu'elle était vide et qu'il y était l'unique présence.
Les lieux paraissant donc déserts, Nigel se relâcha sans plus se soucier de l'éventuel danger et il en termina rapidement le tour en ramassant toutes les richesses.
Son sac rempli sur son épaule, il se dirigea vers une sortie en se laissant même aller à siffloter joyeusement d'un ton bas et,puisque rien ne semblait l'en empêcher, il se fit le plaisir de se diriger vers la porte principale. Un voleur qui pouvait se permettre d'emprunter la grande porte s'avérait être talentueux dans son domaine, même si il s'agissait probablement davantage d'un coup de chance dans ce cas.
Satisfait de son larcin aisé, même si un peu de difficulté favorisait l'adrénaline qu'il aimait tant,Nigel se dirigea vers la porte en se préparant à la forcer mais,alors qu'il s'apprêtait à sortir ses crochets de la doublure de sa cape, les doubles-battants s'ouvrirent soudainement, manquant de peu de le percuter.
Le jeune homme eut le réflexe de se plaquer contre le mur en se dissimulant derrière la porte ouverte. Il pouvait remercier la vivacité conférée par son sang partiellement vampirique.
Plusieurs personnes entrèrent, éclairées d'une lanterne tenue par ce qui ressemblait à un garde, en échangeant à propos d'une réception. Les propriétaires des lieux rentraient visiblement après un quelconque bal organisé en ville, ce qui expliquait le calme de la demeure.
Si il l'avait su, Nigel ne se serait pas fait surprendre de la sorte. Certainement était-ce pour cela que Abélianne répétait toujours qu'il fallait une bonne préparation et se renseigner avant d'agir mais Nigel était incapable de le faire.
Tant que personne ne l'avait remarqué ni ne soupçonnait sa présence, le jeune homme voulut en profiter pour fuir. A déplacements silencieux, il se dirigea lentement vers la porte encore ouverte mais le garde se retourna au même instant pour la refermer.
Réagissant le premier avant que l'homme ne dégaine l'épée qui l'armait, Nigel lui bondit dessus en le fauchant brutalement, cependant, entraîné par son élan, il chuta à terre avec son adversaire. Il n'avait pas prévu cette éventualité mais il fallait dire que le combat frontal n'était nullement un domaine où il était doué.
Pensant néanmoins pouvoir encore fuir,notamment grâce à l'effet de surprise dont il jouissait, Nigel se redressa et il alla pour se relever vivement et s'élancer vers la porte mais les lueurs de lanterne se reflétèrent sur la lame affûtée qui se pointait sur sa gorge, prête à le transpercer au moindre mouvement.
Forcé à demeurer immobile par la menace exercée par cette rapière, Nigel releva le regard sur la personne qui tenait l'arme et il découvrit un visage arrondi aux traits fins et doux encadrés de boucles châtain clair où brillaient deux yeux à la couleur actuellement indéfinissable à cause de la lumière orangée de la lanterne. Ce visage ressemblait grandement à l'un des quatre représentés sur le portrait au mur.
L'examinant également de son côté, le jeune homme fronça les sourcils avec une expression stupéfaite, certainement causée par les traits non-humains de Nigel, notamment son œil gauche rouge sang exposé par sa longue mèche dérangée par sa courte empoignade avec le garde.

« Il semblerait bien que nous ayons un voleur qui a profité de notre absence. Lança le fils aîné de la famille en refermant la porte dans le dos de Nigel.