Absurde vie

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Vénus

"La déception est un sentiment amer, il nous colle à la peau, montrant à quel point l'humain peut être absurde."

Paris, mercredi 6 septembre 2023

— Comment vas-tu aujourd'hui, Vénus ? me demande ma psychologue.

Je ne réponds pas tout de suite, je ne sais pas si c'est à cause de la fatigue accumulée par mon corps ou car je n'ai pas la réponse. Je ne ressens rien d'autre qu'un vide, il accable tout mon corps, le rendant passif.

— Vénus, s'il te plait, essaye au moins de répondre à cette question, insiste gentiment la jeune femme assise à son bureau face à moi.

J'aimerai lui annoncer que je ne veux plus revenir ici, mon état n'avance pas. Et puis est ce que je vais vraiment mal ? Il y a bien pire que moi dans le monde.

— Je ne me sens pas à l'aise, finis-je par dire.

— Dans mon bureau ou dans ton corps ?

Partout. À côté de mes camarades, dans mon lit, dans cette pièce. J'ai toujours cru au mythe des canapés chez le psychologue, avec une table basse et des fleurs un peu partout. Pourtant mon rendez vous du mercredi après midi se passe enfermer entre quatre murs jaune, assise face au même bureau qu'un directeur de lycée, à parler à cette femme qui note chaque mots qui sortent de ma bouche, attendant patiemment que je fasse de ma vie un monologue. Alors que, moi, je contemple pour la énième fois les quelques dossiers qui sont posés sur le grand meuble vide, reflétant probablement l'âme de chacun de ses patients.

— Dans mon... en réalité je ne sais pas. Je ne suis juste pas à l'aise.

— Très bien, je comprends. Et ta mère, comment va votre relation ? Poursuit-elle.

— Je ne lui ai pas reparlé depuis la dernière fois. Je ne pense pas en avoir envie, déclare-je sèchement. 

— Lui as-tu fait savoir que ses remarques te blessent ?

— Non, c'est juste des blagues. On aggrave ma situation, lâché-je en dérivant mon regard.

— Vénus, il faut que tu me parles. De n'importe quels sujets: ta situation familiale ? Ton ancien meilleur ami ? Ton avenir ? S'emporte-t-elle.

— Mais taisez vous ! Je ne veux parler de rien de tout ça !

Mes cris laissèrent planer un calme glacial. Mon corps a agit seul, comme si je n'avais été que spectatrice de la scène.

— Je suis désolé, je pense qu'on en a fini pour aujourd'hui, conclus-je avant de prendre mon sac pour sortir au plus vite de cet enfer.

J'ai comme l'impression d'avoir une haine inconcevable contre le monde entier, mes larmes qui gâchent ma vue, mon sac qui tombe de mon épaule, et mes cheveux qui se collent à ma bouche n'améliorent absolument pas mon état pathétique. Tout me fait perdre patience, je baisse les bras et m'accroupi devant la sortie de chez ma psychologue, pleurant pour toutes les raisons possibles. Ma gueule de bois ne fait qu'empirer mon état, mais je dois me relever, rejoindre la foule de parisiens, laissant apparaître sur mon visage un regard vide, ni triste ni heureux, juste vivant.

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Je ne pense pas avoir ressenti une atmosphère aussi morose, et épuisante que celle du métro parisien. Les connaissances n'échangent que très peu de mots, tout bas, mais d'autres communiquent tellement fort que tout les passagers connaissent leur vie. Certains baissent le regard sur leur téléphone sans jamais le relever, mais malheureusement les regards qu'on remarque sont ceux qui nous fixent perpétuellement. Encore une fois, un homme d'une quarantaine d'années me reluque sans aucune gêne depuis que je suis dans le wagon. Sa main est posé près de ses parties intimes et si je ne n'y étais pas habituée j'aurai vomi depuis fort longtemps. Je relève mes yeux et constate que le prochain arrêt est le mien. Je commence à me relever et aperçois que l'homme face à moi imite mes gestes. Heureusement pour moi, de nombreuses personnes sortent aussi, me laissant m'immiscer dans la foule et le semer.

L'éclipse de Vénus Où les histoires vivent. Découvrez maintenant