La famille Lögn

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Folle.
   Folle.
      Folle.
         Folle.
            Folle.
                Folle.
                     Folle.
                           Folle.
                                  Folle.
                                        Folle.
                                                 Folle.
                                                      Folle.
                                                            Folle.
Fou.

FOU
Je suis fou.

Il échappe un rire sardonique, étrange, perturbant, flamboyant.
Il croit.
Il croit.
C'est la première fois de sa deuxième vie qu'il croit.
Il crie.
Il rit.
Il hurle.
Il flotte au centre de la pièce, hystérique, le visage jeté en arrière, le torse tiré vers le haut par un fil inexistant, la cravate pendant sur le côté, la chemise semi ouverte, froissée, les bras écartés, comme pour mieux prendre possession de l'espace qui l'entoure.
A lui.
C'est son espace.
Elle est rentrée et il sortira, lui.

La pièce est sombre, noyée dans l'obscurité, dans la première nuit du renouveau.

Il tournoie en son centre.
Hystérique.
Pour la première fois.
Pour lui, à partir de maintenant, tout est la première fois.

Il l'a achevée.

Il hurle de plus belle, telle une bête enragée. Tournoie comme une araignée suspendue à son fil scintillant de folie.
Mais lui, il hurle de bonheur, d'amour, de vie, de vengeance.

Il pense.
Il pense et c'est la première fois.
Il pense que ... rien.
Il se rappelle plutôt.
Il se rappelle que le dernier vœu de sa première vie était d'en avoir une deuxième. Il pense que le premier voeu de sa dernière vie était de renaître sous une identité méconnue.
Il devient un inconnu.
À défaut d'avoir été une connue.

Des pas.
Quelqu'un monte dans la tour.
Ils sont deux, gravissant rapidement les marches de guingois.
Ils s'agitent derrière la lourde porte de chêne qui barre l'entrée du sommet de la Tour des Oubliés, cherchent les clefs pour accéder à la pièce dite "sacrée". 

Sacrée est un bien grand mot.
C'est la pièce dans laquelle tous les descendants des Lögn ont péri.
Chacun, sans exception.

Leurs voix étouffées parviennent partiellement à traverser la porte massive, ainsi que des bruits de ferraille qui s'entrechoque.
Ils cherchent la clef.
Mais celle ci n'existe pas.
Et n'a jamais existé.

Personne n'a jamais pu retirer les corps d'ici, car les seuls à y être rentrés après y ont également péri.
Les domestiques le savent pourtant, ils ne peuvent pas rentrer. Ils ne font pas partie de la prestigieuse lignée des Lögn, qui seuls arrivent à rompre l'enchantement permettant d'ouvrir la porte, mais celui ci ne marche que dans un sens.
Les Lögn ne peuvent pas sortir.
Les externes à la famille ne peuvent pas rentrer, c'est comme ça.

Chacun connaît le sort funeste qui arrive aux membres des Lögn y rentrant.
Pourquoi des domestiques tenteraient de rentrer ?
Ce n'est pas la première fois que des hurlements et des cris sortent de la Tour.
Pourquoi s'y précipiter aujourd'hui alors que cela se produit tout les soirs ?

Ils continuent de s'acharner contre la porte.

Ce ne sont pas des domestiques.

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⏰ Dernière mise à jour : 4 days ago ⏰

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