Nace avait peint maint et maint visages. Jamais un ne l'avait autant subjugué, autant fasciné, autant étourdi d'admiration et d'inspiration que celui-ci.
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La collision fut saisissante. Étourdissante. Addictive. Il ne se rappelait que du rouge profond de ses manches, celles qui lui étaient passées devant les yeux avant de s'enrouler autour de lui et de l'entraîner dans ce somptueux brasier. Il aurait pu s'écarter. Peut-être aurait-il dû. Il en était incapable. Il brûlait de la même envie que celle qui l'avait attiré dans ce baiser et aucune volonté du monde n'aurait pu l'empêcher de s'y laisser sombrer. Il se sentait se consumer seconde après seconde en proie à ces lèvres dont il n'avait pas douté du délice une seule fois mais qu'il n'aurait jamais cru avoir la chance de sublimer de cette manière. Si ce n'était pas un rêve, cela ne pouvait être que de la folie.
Stop.
Le soleil était à peine levé. Il faisait trop chaud. Et froid en même temps. Les nuits devenaient étouffantes. Les réveils aussi.
Il était venu plus tôt que d'habitude. Le jour suivant aussi. Et celui d'après, encore plus tôt. L'inconnu n'était pas revenu. Comme plein d'autres. Mais cette fois, ça l'affectait.
Ce fort sentiment qu'il n'en avait pas fini avec ses dessins le hantait plus intensément à la nuit tombée. Cela faisait maintenant une semaine qu'il passait la matinée assis là, ne sachant quoi esquisser. Quand il se forçait à se lancer, il lui venait la furieuse envie de déchirer la page après 3 coups de crayons. Quelque chose n'allait pas. Il ne pouvait détacher son regard de cette feuille où son visage résidait. Il fallait qu'il trouve une solution, un moyen de se souvenir précisément de ses traits pour le finir. Mais si sa présence réelle ne lui avait déjà pas suffit pour être satisfait de sa version, alors un pauvre souvenir n'aiderait pas.
Amelija était revenue le voir trois fois et à chaque fois il avait expliqué qu'il comptait commander autre chose mais plus tard. Il se forcerait. Ses passages l'irritaient néanmoins. Il cherchait quoi faire, comment poursuivre ses croquis où bien s'il devait les abandonner. Quand il se mettait à réfléchir, un simple couinement de semelle sur le carrelage le rendait fou. Il était fatigué. Fatigué de ses nuits agitées, fatigué de voir partir en fumée l'image mentale de l'homme qui l'avait replongé dans ses carnets. Fatigué du bruit, du chahut de ses pensées, de ne pas pouvoir les réorienter, de ne pas parvenir à poser la mine sur le papier tant qu'il n'avait pas trouvé la paix. Le café était à moitié rempli quand un groupe passa la porte. Nace laissa sa tête heurter la table. Encore des voix, encore du bruit, encore de l'agitation. C'était samedi, autrement dit le lieu etait plus fréquenté que le reste de la semaine. Ce n'était pas ce qu'il préférait. Sûrement pas maintenant. Il ne se sentait plus capable de rester là pour l'instant. Il avait le sentiment d'attendre un fantôme. Et il n'avait pas envie de commander une autre boisson. Il se redressa vivement, un peu étourdi, et poussa son carnet sur le côté. Il retira ses lunettes et tira un coin de sa manche pour en essuyer les verres. En les reposant sur le bout de son nez, il nota que le groupe d'homme s'était installé juste en face de lui, deux tables plus loin. Cela le titillait nerveusement, parce que c'était précisément là que son précédent modèle était installé il y a quelques jours avant de se fondre dans la nature. Il y avait un très grand type élégant, taille fine, visage enfantin, yeux clairs et étirés, pomettes et cheveux châtains qui retombent de chaque côté de son visage et rebondissent sur sa nuque. L'angle de sa macheoire aurait pu lui donner envie d'entamer une nouvelle page de dessin en temps normal, probablement. Le deuxième semblait beaucoup plus petit à côté. Il avait lui aussi les cheveux châtains, un peu plus foncés mais aussi longs, sauf qu'il les rabattait en arrière. Ses yeux étaient marrons et ses lèvres plus charnues que le premier. Il ressemblait à un chanteur pop croisé avec un surfeur, ce genre de visage qui se crosiait souvent dans les magazines mais qui n'était pas de ceux qui le motivait le plus. Enfin, il s'aprêta à examiner le troisième. Ce ne fut pas nécessaire.
