Fort fort lointain

Prologue

La lumière deviendra mère des Ténèbres.

Que voulait-il dire par ces mots ? Ballotté par des flots déchaînés sur une minuscule embarcation et maintenant fermement une jarre contre lui, le père Fouras songeait aux mystérieuses paroles de cet homme masqué. Aurait-il quitté sa bien-aimée pour des fadaises ? Son instinct lui souffla immédiatement le contraire et quand bien même les conditions climatiques ne s'y prêtaient pas, il mobilisa son sang froid et se fit violence pour ne pas se laisser guider par son cœur meurtri. Pressé de se rendre à l'endroit qu'il était sommé de rejoindre, le vieil homme fit tourner inlassablement un petit clepsydre entre ses doigts dans le sens des aiguilles d'une montre : ainsi se retrouva-t-il quelques secondes plus tard devant une forteresse. Prison pour les mortels ordinaires, royaume pour quelques rares érudits; il lui tardait d'y déposer son lourd fardeau.

- Le Fort Boyard... Est-ce réellement le lieu de notre salut ?

Un garde portant une torche l'attendait à l'entrée. Il ne cilla pas un instant en avisant le grand personnage qui était devant lui ou la multitude de silhouettes qui l'accompagnaient. Amené jusqu'à une passerelle, il y rencontra la reine Blanche.

- Portez-vous la boîte de Pandore ?

- Comme la prophétie vous l'avez prédit. répondit le père Fouras

Un sourire aux lèvres, nullement dérangée par le fait qu'il soit au courant, la reine lui adressa un regard complice.

- Je constate que vos pouvoirs ne sont pas que légende. C'est un plaisir de vous compter parmi nous.

Elle congédia ensuite son garde, lui prit la torche en bas des mains et conduisit le père Fouras au sous-sol. Le lieu était étroit, sombre et l'on pouvait y voir des rongeurs.

- Vous pouvez commencer à bâtir l'endroit qui gardera la boîte ici. Je vous souhaite bonne chance, ce ne sera pas une tâche aisée.

Percevant la lassitude dans la voix de la reine, le père Fouras ricana. S'il devait passer plusieurs décennies dans cet endroit, il n'allait certainement pas le laisser aussi vide de vie qu'il semblait l'être. Après tout, n'avait-il pas été maître de parc d'attraction ?

- N'ayez crainte, ce n'est qu'un jeu.