Émilie, étudiante en médecine, brillante et déterminée, a surmonté bien des épreuves pour se hisser au sommet de sa future carrière. Pourtant, au cœur de ses réussites se cachent des blessures profondes, marquées par la perte de son père et les défi...
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Dimanche 28 février 2021, Maison d'Antoine, 22H50.
Une question et tout me revient. Une question, et la douleur me submerge. Je dois leur raconter. Ils ne connaissent pas cette partie de moi, et elle représente une grande partie de ma vie, heureuse et triste à la fois.
"Il y a dix ans, quand j'ai commencé mes études de médecine, je voulais une chose : voyager. Découvrir les médecines à travers le monde. Découvrir les populations du monde entier."
Je souffle et souris légèrement aux deux frères face à moi.
"Sauf que malgré un père militaire, payer des études et des voyages à chaque stage avec le logement qui va avec, c'était impossible. Alors le supérieur de mon père m'a fait une proposition : je faisais un stage sur deux pour l'armée, et eux me payaient mes stages à l'étranger. C'est comme ça qu'en 2011, je suis devenue médecin stagiaire dans l'armée, mais avant tout soldat réserviste."
Je vois leurs yeux s'écarquiller, je sais qu'ils ne se doutaient pas du tout de ça.
"Algérie, Autriche, Mexique, Brésil, Afghanistan, Mali, Tchad, Portugal... Mes stages s'enchaînaient, et je vivais ma meilleure vie. Puis vient un temps où un stage en SAMU s'est présenté à moi, enfin. Mon statut de soldat m'a permis d'intégrer celui de Paris en octobre 2015. J'étais dans une branche que je convoitais depuis des années, avec des médecins urgentistes incroyables."
Je prends une profonde inspiration, sentant la tension monter en moi.
"Et puis arrive le redoutable 13 novembre 2015. Les attentats de Paris."
Un silence pesant s'installe. Je ferme les yeux un instant, essayant de rassembler mes pensées, de maîtriser mes émotions. La douleur est encore là, vive, à fleur de peau.
"Cette nuit-là, j'étais de garde. Je n'oublierai jamais le chaos, les cris, le sang. Les sirènes des ambulances résonnant sans fin, les corps blessés, les regards perdus. J'ai vu des choses que je n'aurais jamais pu imaginer. J'ai tenu des mains tremblantes, murmuré des mots de réconfort, tout en essayant de garder mon sang-froid pour sauver autant de vies que possible."
Je sens des larmes monter, mais je les retiens. Il est important que je partage cette partie de moi, aussi difficile que cela puisse être.
"Nous étions tous sur le front, médecins, infirmiers, secouristes, soldats... Nous avons fait tout ce que nous pouvions, mais l'horreur était indescriptible. Chaque minute semblait une éternité. J'ai vu la fragilité de la vie de près, et cela m'a changé pour toujours."
Anthony, Cyril, et les autres écoutent en silence, respectant ma douleur. Leurs visages montrent leur empathie, leur soutien.
"Après cette nuit, j'ai eu du mal à retrouver un sens à ma vie. J'ai continué à travailler, mais quelque chose en moi s'était brisé. J'ai tenté de me reconstruire, mais moins d'un an plus tard, le 14 juillet 2016, tout a basculé de nouveau. Cette fois-ci, c'était à Nice. La scène était si terrible que même les réservistes des alentours ont été envoyés."
