Epilogue

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Dans sa cabine, Noah réfléchissait à tout ce qui lui était arrivé. Lui, simple écossais ayant fait fortune dans le commerce d'alcool, s'était vu confier une mission de la plus haute importante, une mission dont il contemplait maintenant la réussite. Au moment où, perdu dans ces pensées, il saisissait sa bouteille de whisky pour s'en servir un verre, quelqu'un a frappé à la porte, l'arrachant à sa rêverie. L'homme, n'attendant aucune visite, a ainsi pris le temps de remplir son verre du liquide ambré, avant d'aller ouvrir le battant, apparaîtra un visage familier.

"Ah, c'est vous, monsieur Denroe. Entrez, je vous en prie"

Avec un grand sourire, l'homme a pénétré dans la pièce. Il s'agissait de Gaspard Olly Denroe, l'architecte qui avait aidé Noah à construire ce gigantesque vaisseau spatial, à bord qu'ils étaient maintenant en route pour Mars.

"Je vous sers quelque chose à boire ?

–Non, merci. Je venais simplement voire comment se passait notre voyage. Rien à signaler au niveau de l'Arche ? Aucune panne à déclarer ?

–Non, tout marche à merveille, Dieu merci. C'est vraiment grâce à vous... Je ne sais pas comment un vaisseau de cette taille a pu être intégré et se révèle fonctionnel en si peu de temps. Vous êtes vraiment un génie...

- Voyons, vous me gênez."

Sur ces paroles, Gaspard a avisé un instant l'armoire de bois vernis qui trônait au fond de la pièce, puis s'est dirigé vers celle-ci. Il a saisi le cadre photo qui y était exposé, et l'a examiné.

« Ce sont vos enfants ?

–Oui, Ethan et Leonora. Ce sont des jumeaux, ils viennent d'avoir huit ans.

- J'imagine qu'ils sont à bord du vaisseau ?

–En effet. J'ai amené toute ma famille avec moi pour ce voyage..." L'homme a reposé le cadre à sa place, et s'est tourné vers Noah.

"On raconte que les raisons qui vous ont poussé à entreprendre la construction de ce gigantesque vaisseau sont pour le moins... spirituelles. Est-ce vrai ?

- Qui vous a raconté cela ? Même la presse n'est pas au courant.

–J'ai mes sources. Et puis, j'ai imaginé l'Arche en prenant en compte vos demandes, vous savez. Personne ne demande à installer un complexe scientifique de ce calibre dans un vaisseau qui a pour « simple » mission d'emmener des gens sur Mars..." A l'entente de ces paroles, Noah a avalé son whisky d'une traite, puis un soupiré.

"Je vous dois bien la vérité. Après tout, vous la découvrirez bien assez tôt. Asseyez-vous, je vais tout vous raconter".

L'homme a croisé les mains par-dessus la table, et a regardé l'architecte droit dans les yeux. D'une voix calme, il a commencé ses explications :

"Il y a quelques années, croyez-le ou non, j'ai reçu la visite d'un être divin. Un homme magnifique à la longue chevelure de feu, arborant dans son dos deux paires d'ailes d'un blanc immaculé. Même si je n'ai pas voulu y croire au début, j'ai rapidement dû me faire à l'idée : il s'agissait d'un ange de Dieu, qui s'est présenté à moi comme étant l'Archange Gabriel. Sous mon regard à la fois incrédule et subjugué, il m'a expliqué que l'Apocalypse allait bientôt avoir lieu, et qu'à l'instar de Noé avant le Déluge, je devais mettre en œuvre tous les moyens que j'avais à disposition pour construire une gigantesque arche, un immense vaisseau qui permet à l'Humanité de survivre dans l'espoir de trouver un monde habitable...

- Et pourquoi vous ?

–Selon l'Archange, en plus d'avoir un prénom quasi similaire à celui de Noé, l'architecte biblique, je serais l'un de ses descendants directs. Incroyable, n'est-ce pas ?"

Noah s'est resservi un verre de whisky, a bu une gorgée du liquide ambré, et a poursuivi.

"Néanmoins, un autre problème se posait. La faune, la flore terrestres... Avec la fin du monde, elles allaient disparaître, elles aussi. C'est pourquoi j'ai décidé d'utiliser toutes les techniques de pointe à ma portée , toute la science à ma disposition, pour endiguer ce problème.

–C'est incroyable. C'est donc la raison d'être de ce complexe scientifique à bord du vaisseau ?

–En effet, et je n'en suis pas peu fier. Il y a à bord un exemplaire cultivable d'au moins une cellule de chaque animal vivant, chaque plante, chaque champignon. Par hasard, ou plutôt par miracle, j'ai croisé la route d'un scientifique qui a fait des progrès fulgurants dans le domaine du clonage, et dirige maintenant mon équipe de recherche. La création de vie par voie artificielle ne nécessite plus de mère porteuse...

–Hallucinant. Mais comment allez-vous faire pour introduire toutes ces espèces sur Mars ? La planète rouge est loin de ressembler à la terre.

–Pas d'inquiétude, nous avons également à bord des professionnels du domaine de la terraformation, ayant déjà mené plusieurs expériences concluantes. C'est incroyable, c'est comme si toutes les personnes détenant les connaissances nécessaires à cette mission s'étaient jointes à moi à un moment ou un autre du projet... Comme si la Providence les avait menés jusqu'à nous... ."

Gaspard a hoché la tête, puis s'est levé, et s'est dirigé vers la porte.

"Votre histoire est incroyable. On aurait du mal à y croire. De toute façon, comme pour tout le monde ici, on est avec vous jusqu'au bout. On verra bien.

–C'est pour cette raison que je n'ai jamais raconté cette histoire, à part à mes proches. Je me demande d'ailleurs qui vous en a parlé..."

Ignorant la remarque, Gaspard a ouvert le battant, et a posé un pied hors de la pièce. Avant de le refermer, il s'est néanmoins retourné, et a interpellé Noah.

"Oh, j'allais oublier. Je vous ai offert un cadeau, pour fêter le succès de ce projet. Ce n'est pas grand-chose. Mais il va vous être utile, pour le futur."

Noah a alors baissé les yeux vers son bureau, rencontrant effectivement du regard un paquet qui n'était pas là quelques secondes plus tôt. Il s'est demandé à quel moment Gaspard avait pu le poser là, sachant que durant toute leur discussion, il ne l'avait presque jamais quitté des yeux.

Curieux, il a saisi l'emballage et l'a déchiré, révélant un épais livre relié. L'homme s'est alors mis à le feuilleter, mais à mesure que les mots défilaient sous ses yeux, sa curiosité se mêlait à une surprise grandissante, qui a atteint son paroxysme et s'est mue en une révélation lorsqu'il s' est rendu à la page de garde. En grandes lettres noires, on pouvait y lire « Le Troisième Testament ».

***

Le regard perdu à travers la gigantesque vitre du vaisseau, qui garantissait une splendide vue sur l'Espace, Gaspard observait la petite planète bleue qui n'était plus qu'un petit point au loin. La Terre, berceau de l'Humanité. Sa création, qui d'ici peu serait plongée dans les ténèbres, lorsque les Cavaliers se rassembleraient au sommet du monde et condamneraient les humains pour ce qu'ils en avaient fait.

Cette Humanité, il l'avait dotée du libre-arbitre, car il espérait qu'elle prendrait les bonnes décisions d'elle-même, sans qu'il ait à interférer comme il l'avait fait jadis.

Mais cette fois encore, alors qu'il n'avait juré ne pas intervenir en faveur des hommes, Gaspard avait finalement décidé de les aider dans l'espoir qu'ils ne répètent pas une troisième fois leurs erreurs. Par espoir, et par miséricorde envers des agneaux qui s'étaient égarés, miséricorde dont il avait déjà fait preuve des milliers d'années antérieures, lors du Déluge.

L'Architecte a alors tourné le dos à la vitre, à la Terre, et a souri. Puis, sans un bruit, il a disparu, espérant que désormais, ses enfants feraient les bons choix.

L'apocalypseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant