12. Inversion des pôles

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La conversation que j'avais eue jadis avec Jin ne cessait de tourner dans ma tête alors que la moto avalait les kilomètres.

Mes parents m'avaient parlé des différentes espèces et de leurs caractéristiques, cependant le marquage et la transformation n'avaient été pratiquement jamais évoqués. Ils pensaient certainement que leur fils n'y serait jamais confronté.

Ils vivaient à l'écart de tout, dans leur forêt, sans contact avec quiconque, même s'ils savaient pertinemment que l'horloge du destin s'était mise en route.

Peut-être avaient-ils pensé avoir plus de temps ?

La vie est une succession de choix tracée par ses conséquences.

C'est ce qu'avait dit Jin cependant, ce choix, je ne l'avais plus.

Je l'avais perdu au moment où j'avais accepté le chantage d'Arad.

Je n'avais pu sauver Taehyung que parce qu'il avait bien voulu me laisser faire. Les répercussions auraient pu être désastreuses.

Il avait été clair sur le sujet quand il était venu au Diner's. Il ne me laisserait pas faire ce coup-ci, il refusait de laisser partir Jungkook, comme il me refusait ma liberté.

Même si je réussissais à réfréner cette terreur qui m'habitait à l'idée que le démon en moi ne vienne à échapper à mon contrôle, même si je voulais aider ces humains, j'étais pieds et poings liés par l'accord que j'avais passé avec Arad.

Je ne pouvais cependant empêcher mon cœur de souffrir à l'idée de les laisser dans ses griffes. Je savais qu'il viendrait chercher Jungkook, toutefois il ne se contenterait pas de le faire plier. Il le détruirait et briserait sa volonté en se débarrassant de la seule personne qui aurait pu lui donner des velléités de rébellion.

Yoongi...

À la mention de son nom, mon cœur tressauta et la moto fit une embardée.

Cet homme faisait partie des mêmes brigades qui avaient massacré mes parents et pourtant je ne cessai de penser à lui. Il me troublait, il me déstabilisait. Il m'attirait.

J'aurais dû le détester pour cela, mais j'en étais incapable.

Je décidai de me garer près du fleuve, non pas par peur d'un accident, je n'avais même pas peur de mourir, non, ce que je craignais, c'était de voir périr les miens.

Je descendis vers la berge et m'assis sur l'herbe après avoir posé mon casque près de moi.

Le soleil brillait doucement dans le ciel, obscurci par moment par la danse des nuages.

Il était comme un filtre qui se posait sur la vie quand la nuit disparaissait, lui donnant une impression de normalité en floutant ses défauts.

Je me laissai aller en arrière et m'allongeai sur l'herbe tendre, un bras sur le visage.

Au loin, je percevais le vague ronron de la circulation. Quelques promeneurs se baladaient sur l'autre rive. J'entendis des rires alors qu'un jeune couple se poursuivait en courant.

Je les enviai un court instant.

Quel aurait été mon destin si j'étais né humain ? Aurais-je pu avoir une vie normale ?

Malgré les luttes inter-espèces, les humains vivaient. Ils aimaient comme si le danger qui planait au-dessus d'eux décuplait leur volonté farouche d'exister. C'était leur caractéristique principale, la résilience.

Comme lui, dont les yeux brillaient d'espoir et de volonté.

Je poussai un soupir agacé. Il m'obsédait.

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