14. Tensions

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Namjoon ferma le robinet et s'essuya les mains avec un soupir de satisfaction. La montagne de vaisselle qui trônait dans l'évier était dorénavant propre et parfaitement rangée sur l'égouttoir.

Il ôta son casque de ses oreilles et le posa sur l'un des comptoirs d'inox. La musique avait toujours été son refuge, même avant que son destin ne l'oblige à pousser les portes du Diner's.

Si la vie avait été autre, s'il n'était pas né lycan, s'il n'était pas devenu esclave, alors peut-être aurait-il pu vivre de cette passion.

Il ne se souvenait même plus du son de sa propre voix, pensa-t-il avec tristesse.

Il ne lui restait que cela, la colère et la haine s'étaient envolées. Il ne restait qu'une immense peine pour lui et probablement plus encore pour ceux qui avaient été capables de faire preuve d'assez de cruauté pour lui infliger un tel châtiment alors qu'il n'était que souffrance.

Il se souvenait parfaitement.

Il avait été élevé dans une famille aimante que rien ne prédisposait au pire. Il se rappelait les rires et les jeux au sein de la meute à laquelle il appartenait. Les cavalcades en fôret dont le sol était recouvert de neige, les baignades dans la rivière quand venait l'été, l'odeur de la fourrure de sa mère quand il se blottissait contre elle. Ils vivaient isolés, dans un état que les autres espèces aurait qualifié de sauvage, pourtant ils étaient heureux.

Ils étaient à l'abri de la sombre agitation qui régnait en ville, cependant la réalité les avait très vite rattrapés. Quand il atteignit l'age de six ans, il fut brutalement arraché à ses parents dont il ne gardait dorénavant qu'une image floue.

Il ne savait rien alors de la politique et de la lutte des espèces qui avait vu sa naissance lorsque la Nouvelle Société avait été constituée.

Il n'était qu'un enfant.

On l'avait séparé du reste de la meute et emmené à la ville.

De cette période qui précéda son adolescence, il ne se souvenait que des coups qui pleuvaient dès que son corps se transformait. On annihilait sa nature profonde jour après jour pour ne laisser de lui que le fantôme d'un loup.

Il avait été trimbalé de maison en maison, de maitre en maitre.

Il devait servir, il devait se taire.

Il mangeait ce qu'on lui donnait sans jamais se plaindre.

À quatorze ans, il arriva dans la demeure d'un vieux mage. Il était différent des autres, il possédait une sorte d'humanité.

Il était bien traité par rapport à tout ce qu'il avait connu. C'est là qu'il avait découvert la musique et qu'il y avait trouvé refuge.

Celle qui était jouée lors des grandes fêtes des maitres, celle qui s'échappait du poste de radio qui trainait toujours dans la cuisine.

Il se surprenait à fredonner des airs qu'il inventait le soir dans la cave qui lui servait de logis.

La vie n'était pas belle alors, mais elle n'était plus laide. Les notes de musique devinrent ses compagnes quand il se sentait seul.

Il n'avait pas de velléités de rébellion, il survivait.

Les autres esclaves avec qui ils cohabitaient ne parlaient que de partir, de se rebeller, ils rêvaient de liberté, mais lui ne connaissait plus le sens de ce mot.

Quand il atteignit ses vingt ans, le vieux mage mourut et il fut vendu à un autre maitre.

La musique s'arrêta de jouer et les coups se remirent à pleuvoir.

Ꭰꮖɴꭼꭱ'ꮪ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant