Chapitre 1

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« Comme en vous contemplant dans le miroir, la forme et le reflet se regardent. Vous n'êtes pas le reflet mais le reflet est vous ». Ce sont les mots de Maitre Tozan, aussi intéressant soit-il ou non parmi les moines bouddhistes. La surface réfléchissante devant moi renvoie une image que je connais déjà. Les traits du visage, la couleur des yeux et les longs cheveux ondulés sont identiques à ce que je vois habituellement. Pourtant, je ne reconnais pas mon reflet. La vision de cette personne face à moi est erronée.

Une heure, peut-être deux que j'ai planté mes mains sur les rebords du meuble de la salle de bain et que je n'ai pas bougé, mon regard figé. Je cherche à comprendre ce que je ressens. La culpabilité, la peur, l'horreur, le regret. Je n'éprouve aucun de ses sentiments. La situation est dramatique. Je me sens enfin sereine. J'ai commis un meurtre et tout ce à quoi je pense, c'est le soulagement de savoir mon frère en train d'en finir avec le corps de Vito et de ses acolytes.

-      Clara

Mon cœur se serre. Première réaction douloureuse depuis que j'ai laissé la bande sur place pour suivre Cameron au Belleza. Le gang a jugé bon de m'écarter des événements, le temps que tout soit réglé. S'ils savaient de quoi sont faites mes pensées. Suis-je un monstre de ne rien ressentir de négatif vis-à-vis de mes actes ?

La seule chose pour laquelle je ne suis pas impassible, c'est mon retour dans cet appartement. Les souvenirs de ma dernière soirée entre ses murs ont provoqué un ras de marée d'émotions. Cameron ne m'a pas forcé à parler dans la voiture, ni quand je me suis réfugiée dans ma chambre. Correction : ancienne chambre.

-      Clara, tout va bien ?

Ce baiser. Cette chaleur dans mon corps qui a rempli immédiatement un vide. Cette envie de me blottir à nouveau dans ses bras, comme si rien ne s'était jamais produit. Ce réconfort qui a soigné instantanément toutes mes blessures. C'est bien pire que ce que je pensais parce qu'au fond, ce mal, c'est bien lui qui me l'a fait.

Je reste immobile jusqu'à ce que sa main appuie sur mon épaule. C'est une brûlure intense, un poids qui me broie l'estomac. Je m'écarte laissant tomber son bras entre nous.

-      Ne me touche pas, je souffle dans un murmure.

Je ne parviens pas à le regarder parce que je sais qu'à l'instant où nos regards se croiseront, je pourrais craquer.

-      Clara, je ne pensais pas à un mot de ce que j'ai dit ... cette nuit-là.

Le silence entre nous est lourd, presque insupportable. Ce n'est pas le moment d'en parler. Ce ne sera plus jamais le moment.

-      Dis-moi quelque chose, bordel !

Son ton impatient me fait sursauter. Je lève enfin les yeux vers lui et déglutis en apercevant enfin son apparence négligée, comme s'il n'avait pas dormi durant des nuits. Je prends une grande inspiration avant de me lancer.

-      Depuis le début, je savais que je ne devais pas m'attacher à toi. Rafael, toi, vous m'avez prévenu mais j'ai préféré vivre le moment et prendre le risque que tu me brises le cœur. Cette finalité n'est pas une surprise. Et si tu savais la douleur que j'ai ressenti ce soir-là, tu ne serais pas là à attendre et perdre patience que je parle avec toi.

-      Je me suis détesté pour ...

-      Ne me dit pas des choses que je veux entendre ... si tu ne les penses pas.

Ses mains se plaquent de part et d'autre de mon visage et il s'approche près de moi. Il est beaucoup trop près, je vais perdre mes moyens.

-      J'ai cette sensation qui me ronge de l'intérieur, qui me fait autant de bien que de mal quand je pense à toi, que je sois avec toi ou loin de toi. Ne me force pas à mettre un sens sur ce quelque chose que je ne connais pas. Je vis dans la colère depuis toujours, jusqu'à ce que tu reviennes dans nos vies.

Belleza - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant