Toute la vie devant soi

6 0 1
                                    


NDA : Une nouvelle que j'avais fait au lycée pour un concours, et qui, je l'espère, s'intègre plutôt bien dans mon univers principal


Il y a de nombreuses manières de se faire tuer.

La mienne est sans doute la plus originale d'entre elles.

La lumière du soleil baigne toujours mon visage quand je tente une énième fois de faire déguerpir les crevettes terrestres qui rongent les Trèfles à treize feuilles et les Ronces de Braise. Je vois mon griffon, Jaspe,jeter un regard moqueur à la vue de mes projections infructueuses de Sève de Framboisier Urticant. Son attention sitôt portée vers l'apparition d'une appétissante belette-serpent, furetant à travers les herbes d'un beau bleu marine, ses grands yeux de chouette lapone commencent alors à fixer le lointain. Quant aux crevettes, elles semblent avoir disparues, pour l'instant.


Je commence alors à déterrer les Navets de Lune. Jaspe, mécontent de voir que sa proie semble refuser de se laisser attraper, me rejoint, et se perche sur mon épaule. Ses pattes de lynx n'étant plus, à proprement parler,aussi petites que quand il était griffonnet, je chancelle et m'écroule sur l'herbe. Le jeune avifélin, surpris, est entraîné dans ma chute, et finit la sienne dans un seau d'eau croupie, trempé et honteux. Après un court instant, j'éclate de rire, ce que ne comprend visiblement pas Jaspe, qui retourne se percher sur son arbre favori, visiblement frustré. Quant à moi, je me relève avec difficulté, mes os émettant un craquement peu encourageant. Il faut dire que les années de service auprès de l'Empire ne m'ont pas permis de nécessiter d'une retraite sans douleur.


Le simple fait de pouvoir vivre suffisamment longtemps pour bénéficier de cette retraite reste une chance inouïe pour un soldat, et je dois m'en contenter.Que peut-on rêver de mieux pour le vieux kobold que je suis ?


La brise froide qui frappe mes écailles me rend conscient de l'heure avancée. Le soleil ne va pas tarder à se coucher, et les kobolds sont des créatures à sang froid. L'éclat de l'astre du jour est important pour notre peau de triton. Je retourne donc à ma cabane, perdue au milieu des roseaux.La vieille bâtisse, faite de pierres usées par le temps,  des Lianes-Anguilles, n'est pas au niveau de la chambre dorée que j'occupais au palais de l'empereur. Seulement, elle me convient amplement. Une vie passée à combattre dans de rutilantes armures,pour finalement rentrer le soir dans un luxueux appartement, en s'enfonçant, exténué, dans une couche en plumes d'oie aux œufs d'or, ne fait que rendre plus attirante la vie rustique et calme d'un travailleur de la terre, reclus au fond d'un marais, et agrémentée des turbulences d'un petit griffon.


Tiens, justement...le chenapan s'est de nouveau mis à s'approcher de la Mare du Désespoir.Malgré son nom dramatique, cette dernière ne s'est jamais avérée dangereuse pour qui que ce soit d'autre qu'un promeneur allergique aux effluves enivrantes qui s'en dégagent. Bien que pestilentielle,cette étendue d'eau, qui mérite tout juste le nom de flaque, ne cause à celui qui s'en approche de trop près une simple migraine,qui peut rendre les idées floues, mais qui disparaît dès lors que l'on s'en éloigne de quelques pas.


Bien que cette mare fasse partie de mon domaine, j'ai toujours hésité de m'en approcher. Je ne suis pas superstitieux, mais mieux vaut garder une distance raisonnable entre cette étendue d'eau et moi. Le hululement de Jaspe accompagne ma sensation de mal-être quand je m'en approche. Ayant saisi au préalable sa peluche favorite, un tsuchinoko autrefois blanc, mais qui semble avoir vécu plus de vies qu'un phénix tant il est déchiqueté, je m'approche de lui, espérant qu'il reviendra le plus vite possible. L'animal gris moucheté semble absorbé par lavue des bulles qui agitent la mare, qui semble exercer une activité jamais vue depuis lors. Jaspe, surpris, n'est plus si sûr de lui, et commence à feuler, avant de se résoudre à prendre ses pattes à son coup.

Mes écrits orphelins et tout les autres petits paquets de motsWhere stories live. Discover now