Les mains. Choses si étranges, deux bases surplombées de bâtonnets imparfaits. Des os, des nerfs, des muscles, des tendons, de l'épiderme et de la kératine. Les veines qui les parcourent comme les racines d'une plante fragile. N'oublions pas le sang chaud qui les parcourent et qui vient nous déchirer de l'intérieur quand le froid. Ces membres, à fonction de pince, de pinceau et de miroir. Elles reflètent nos émotions, se serrant lorsque nous sommes en colère, allant même jusqu'à jeter des choses. Elles nous permettent tant de d'actions ! Sentir la fraîcheur de l'eau qui coule du robinet, sentir la douceur des feuilles des petites plantes qui jonchent pathétiquement le sol du salon, sentir la douleur aussi.
On peut faire des bêtises avec, par exemple, on peut frapper des imbéciles, les frapper tellement fort qu'ils finissent à l'hôpital et moi, viré du lycée.
Mes mains à moi sont bien amochées. Elles sont plutôt grandes, on peut voir le relief des petits et des veines qui les parcourent. Mes ongles sont rongés à sang, presque recouverts par la corne. Les jointures de mes doigts sont d'une étrange couleur bleuâtre qui tire sur le vert. En fait, je dirais plutôt violet. Avec un peu de rouge sur les bords. Mes mains sont soigneusement serrées sur mes genoux qui les balancent d'un rythme angoissé.
La porte claque contre le mur, le proviseur se lève
"Je suis venu dès que j'ai pu."
Les deux hommes se serrent frénétiquement la main.
"Écoutez Mr... Ha ! Joanshon ! Mr Joanshon, vous comprenez que ce n'est pas une convocation anodine. ".
Mon père me jette un coup d'œil, se ronge les ongles et se détourne vers le proviseur. Il hoche la tête. Je n'écoute que d'une oreille, ce qu'ils se disent ne m'intéresse pas. Je regarde à travers la fenêtre, un oiseau passe. J'aimerais bien être un oiseau... Ne jamais avoir besoin de parler, de m'exprimer. Mon père se lève, serre encore une fois la main de ce charlatan et puis nous sortons. On traverse les bâtiments pour arriver à notre voiture. Je m'installe en silence. Mon père fait de même. Il ne démarre pas tout de suite, me jette un rapide coup d'œil.
"Maxence, pourquoi tu as fait ça ?"
Je souffle fort, indiquant mon indisponibilité à m'expliquer, et fuis le regard de mon père.
En réalité, ce n'est pas moi qui ait initié le combat, même si je dois avouer que j'y ai bien participé quand même. Je dois aussi admettre que je ne suis pas mécontent qu'ils aient commencé à frapper, c'est comme si j'attendais le départ d'une course, je n'attendais plus que le signal pour démarrer. Et puis, ils l'avaient bien mérité ! Depuis le début de l'année, ils n'arrêtaient pas de se moquer de moi. Mon père démarre et nous sortons de l'enceinte du lycée. Une fois arrivés devant notre maison, mon père coupe le moteur et, alors que je veux sortir, il verrouille les portières. Le bruit cinglant des loquets sui de ferment me donne une envie rageuse de tout casser, de hurler. Je donne un coup contre la portière avant de violemment faire face à mon père.
"Écoute Maxence, je sais que tu as du mal à te... de gérer tes émotions, ta colère... mais là... C'est la troisième fois en deux mois."
Je soupire et me jette, énervé, contre mon siège.
"Ça va, c'est pas un drame de changer de lycée!"
L'expression inquiète de mon père se change en stupéfaction
"Ce n'est pas le lycée le problème ! Est-ce que tu te rends compte que ce que tu as fait est grave?"
Je toise mon père pour lui faire comprendre que je ne suis vraiment pas disposé à lui adresser la parole. expliquer mon geste. C'était stupide, je sais. Mais je n'arrive pas à passer outre les insultes.