i. tuer les armes

124 17 12
                                    

aujourd'hui je laisse tomber les armes
je froisse les feuilles je vide l'encre
je fais lae mort-e
aujourd'hui j'ai disparu et personne ne m'a vu-e
j'ai fait couler l'encre sur mes joues et j'ai senti la noirceur sur ma langue
ça avait le goût d'un baiser
aujourd'hui je tombe à genoux et personne ne me regarde
j'ai la peau bleue, les chevilles tordues et les dents cassées — regardez comme j'ai tout pour plaire
je sens les chaînes sur mes poignets et je danse
aujourd'hui j'oublie la haine et les armes
je ne suis personne pour défendre ; personne ne me défend
peut-être qu'il ne faut plus casser les miroirs, simplement les embrasser
— baiser-glycine —
je ne suis nulle part dans cette violence assourdissante
je ne suis plus là j'ai jeté les mots sales
j'ai vidé l'encre car écrire est une pensée ;
écrire ne veut rien dire, c'est parler toujours parler qui alimente les incendies
je me pleure dessus, pauvre enfant esseulé-e et je ressens l'abandon comme un poignard dans le ventre
pourtant je ne connais pas — bien — le froid des lames
il n'existe pas pour moi
aujourd'hui je n'ai plus d'armes, je les ai noyées
mais avant j'ai déposé le pistolet chargé sur ma tempe et j'ai hurlé à la mort
j'ai mis des mots dans ce rejet, dans tout cet aigu qui sortait de moi
j'ai crié et le rouge des mots a jailli
c'est ça les mots c'est du sang
parfois je me couvre de larmes pour qu'on me regarde
et l'encre n'a plus de couleur et ce soir la nuit est jaune
au fond, le ciel n'aura plus jamais la couleur des yeux d'amoureux
les feuilles froissées gisent et je donne des coups de pieds dedans
je ne perds jamais vraiment la rage
rage colère haine violence agressive détestation hargne fureur ressentiment explosion
je déteste ceux qui ne t'aiment pas
et puis où est l'amour entre moi et moi-même ?
aujourd'hui je n'ai plus d'armes
et mon corps a brisé le miroir rouge de baisers
j'ai du verre dans les yeux
rien que dans les yeux et je ne vois pas le sang
j'aimerai que le sang de mes yeux soit bleu
verre pilé porcelaine vert ; j'aimerai que le sang n'existe plus
j'ai de la nuit sur le visage ; je ne dors pas
quand tu dors je veille
rite funéraire d'une mort qui n'existe que dans les cauchemars
les autres ont du ciel dans les yeux mais moi j'ai perdu la vue
j'ai utilisé les armes pour me crever — les yeux
et désormais les armes sont noyées dans les cimetières
là où je réside, là où je ne vais pas voir mes morts
parce que mes morts ne sont pas encore morts
je réside là où les armes se taisent et je les vois tous, creuser leur tombe à mains nues
ils déchirent leur peau, fissurent leurs ongles
c'est un spectacle affligeant que de voir les vivants se prendre pour des morts

je me drape de ton souvenir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant