iv. désertion

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je t'éprouve comme les nuages qui brillent dans le ciel
de là où je suis c'est une saveur que l'on retient près de soi lorsque vient la disparition
et quand l'air tiède du jour caresse ma peau je regrette mon absence
parfois, je vais même jusqu'à me pleurer
je fais couler les larmes sur ce que je ne serai plus sur la maison de l’enfance sur les photographies de famille sur les fleurs qui auront fané d'ici le printemps prochain
cette déploration — celle d'une mort qui n'est pas encore advenue — n'a pas de nom
cette déploration c'est ce qu'il reste de moi
des larmes que les mots lèchent, recueillent, épongent
ces mots qui existent mal qui ne viennent plus par torrent qui sont empêchés par les cascades de larmes
si seulement les nuages n'avaient pas le goût de tes larmes
finalement la pluie n'a pas de fin, pas de cercueil
on ne se recueille pas devant la pluie, on ne fait que la maudire dans le deuil ;
celui que je fais de mes mots se refuse à la pluie ;
ce deuil-là s'interdit de lui-même
il n'y a plus la frénésie,
disparue l'électricité des débuts et des passions naïves
je déplore cette perte encore, sans savoir quoi faire d'autre
je dis que je pleure mais est-ce réellement ça de pleurer ?
pleurer n'est-ce pas aussi se rendre compte qu'on est incapable de le faire et de s’y forcer
de plisser les yeux assez fort jusqu'à ce que la souffrance n'ait plus d'autre choix que de s'enfuir de quitter la maison ?
est-ce que je sais pleurer ?
pleurer c'est s'échapper de sa propre personne et détester cet égarement ce repli ce refus de soi

je me drape de ton souvenir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant