La fuite

2 0 0
                                        


Pour la première fois depuis sa naissance, Erina ouvrit les yeux sur autre chose que le plafond de sa chambre. Cela lui prit quelques instants pour comprendre où elle était. Une vision d'horreur l'accabla lorsqu'elle releva la tête : la maison de son enfance était en proie aux flammes, les murs s'effondrant sous l'intensité du brasier. Les hurlements de douleur et de terreur perçaient l'air lourd de fumée, et les ombres dansantes créaient des silhouettes cauchemardesques sur les décombres.Ses pensées se tournèrent immédiatement vers ses frères. Elle partit en hurlant leurs noms, sa voix brisée par la panique et la peur, mais aucune réponse ne lui parvint. Les rues pavées étaient jonchées de corps sans vie, des villageois qu'elle avait connus toute sa vie, leurs visages figés dans une expression de terreur ultime. Le sol était maculé de sang, créant des flaques visqueuses qui imprégnaient ses pieds nus à chaque pas désespéré.Des cris enfantins lui parvinrent d'une grange non loin. Erina s'y précipita, l'espoir brûlant dans son cœur terrifié. Elle poussa la porte de la grange, et l'odeur métallique du sang frais la saisit à la gorge. Devant elle, sa famille était suspendue à des crochets, leurs corps balançant lentement sous le poids de la mort. Ses frères, encore si jeunes, étaient mutilés au-delà de toute reconnaissance, leurs petits corps déchiquetés pendants mollement. Sa mère, enchaînée et torturée, hurlait à s'en arracher la gorge, son regard empli d'une agonie insoutenable face à cette horde verte de MEH DANG couverts de sang, festoyant sur les restes de leurs victimes.Soudain, un ogre énorme émergea de l'ombre, sa hache monumentale dégoulinante de sang. Avec un rire guttural, il leva son arme et, d'un seul coup, mit fin aux tourments de la famille d'Erina. La vision du massacre fit vaciller ses genoux, et elle hurla, un cri de désespoir pur qui fit se retourner toute la horde.


Les petits êtres démoniaques se lancèrent sur elle, leurs yeux brillants de malice et de cruauté. Mais, mûe par une terreur primale, Erina parvint à fuir, se glissant par des chemins dérobés dans les buissons. Elle courut, dans les rues de sa petite ville, chaque tournant lui révélant un même spectacle macabre : des murs éclaboussés de sang, des corps mutilés et abandonnés, la brume magique souillant et recouvrant les cadavres , le ciel noirci par les fumées des incendies lui dissimulé ses étoiles.Sa fuite la conduisit à la rivière qui courait le long de la ville. Par chance ou par destin, elle trouva une pirogue de pêcheur laissée là après une dernière pêche. Les mains tremblantes, elle dénoua la corde et se lança sur l'eau, ses larmes se mêlant à la rivière. 

Erina s'éloignait de la rive en silence pour ne pas que ces choses ne tombent sur elle, ses mains agrippèrent les rames de la pirogue. 

La nuit était profonde, enveloppant la rivière d'un voile sombre et inquiétant. La seule lumière provenait des flammes dévorant son village, leur reflet dansant sur les eaux noires comme une lueur sinistre de destruction. Elle ramait avec une frénésie désespérée, chaque coup de rame l'éloignant des l'horreurs qu'elle venait de fuir.

Mais la rivière, autrefois source de vie et de tranquillité, était soudain  devenue un théâtre de cauchemar. Tandis que la pirogue glissait sur l'eau, Erina remarqua des formes sombres dérivant à la surface. Lorsqu'elle s'approcha, la réalité de ce qu'elle voyait la frappa avec une violence inouïe : des corps. Des corps de villageois, de gardes de la ville, de créatures magiques encore plus hideuses que celles de la grange. 

Ils flottaient tous ici, ballottés par le courant, leurs visages pâles tournés vers le ciel comme dans une supplique muette a un dieu  railleur.

L'eau, teintée de rouge par le sang des victimes, se mêlait au noir de la nuit, créant une vision infernale. Les membres déchiquetés, les visages figés dans la terreur, tout cela formait un macabre cortège sans fin accompagnant Erina dans sa fuite. La rivière, qui se voulait une route vers le salut, devenait une travée funèbre où chaque coup de rame était un adieu aux âmes perdues.L'odeur métallique du sang, s'élevait des eaux, envahissant les narines d'Erina  . Elle serra les dents, refusant de céder à la panique et a la nausée qui montait dans sa gorge, mais chaque regard qu'elle portait sur les cadavres flottants la replongeait dans l'horreur .Son esprit s'égara vers des pensées de sa famille, suspendue à des crochets dans cette grange maudite. Le visage de sa mère, déformé par la douleur et la terreur, se superposait à ceux des morts qui l'entouraient. Ses frères, si jeunes et innocents, avaient trouvé une fin si cruelle. La culpabilité et la tristesse l'assaillirent, mais Erina se força à continuer. Elle ne pouvait se permettre de s'arrêter, pas maintenant.Chaque mètre parcouru semblait la rapprocher davantage de cette sinistre procession aquatique. À plusieurs reprises, elle dut esquiver des corps qui bloquaient son chemin, utilisant les rames poisseuses pour repousser ces troncs morbides. La surface de la rivière était agitée de remous sanglants, éclaboussant parfois la pirogue et maculant ses vêtements de traces rouges.Les larmes qu'elle avait refoulées plus tôt commencèrent à couler librement, se mêlant à l'eau qui éclaboussait son visage laissant des sillons dans la crasse de son visage. Sa vision brouillée par le chagrin et la fatigue, elle peinait à distinguer la direction à suivre. Seul le bruit des rames frappant l'eau et le murmure sinistre du courant l'accompagnaient, créant une symphonie macabre qui semblait résonner avec les échos de la bataille.

Enfin, après ce qui parut être une éternité, la densité des corps flottants commença à diminuer. L'eau redevenait progressivement claire, bien que teintée de rouge par endroits. Erina, épuisée, laissa les rames reposer un instant, ses bras endoloris et ses mains couvertes d'ampoules. Elle regarda en arrière, vers le village dévasté qui n'était plus qu'une lueur distante, et ressentit un mélange d'horreur et de soulagement. Elle avait survécu à cette traversée funèbre, mais à quel prix ?

Le jour commençait à poindre, une lueur grise envahissant le ciel à l'est. La jeune fille savait que son périple , Les dangers qui l'attendaient étaient encore inconnus, mais elle était déterminée à avancer pour survivre. La perte de sa famille, la destruction de son foyer, tout cela l'avait transformée en l'espace d'une courte nuit. Elle n'était plus la simple villageoise qu'elle avait été ; elle était devenue une survivante, prête à affronter les ténèbres du monde en guerre qui l'entourait.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jul 11, 2024 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Les Sagas VrenneryonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant