5 : Retrouvailles au musée

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Tout président du Rassemblement National que Jordan Bardella était, cela ne signifiait pas qu'il faisait l'unanimité au sein du parti, loin de là. Beaucoup le soupçonnaient d'avoir eu une ascension rapide du fait de sa liaison (aujourd'hui fini) avec l'une des nièces de Marine Le Pen, elle-même fille de l'un des fondateurs du parti. Ainsi, il était régulièrement mis en contact avec d'autres hauts placés dans le même camp que lui, aussi bien pour valider son intégration dans ce groupe de plus en plus influent que pour y être davantage surveillé, et vérifier qu'il ne causait pas de tort. 

Une relative hypocrisie qu'il acceptait, bien qu'elle lui en coûte une part de son image. Il était quasiment de son devoir de montrer patte blanche puisqu'il se trouvait être le porte-voix des futurs prochains jeunes électeurs en se voulant rassurant et en affirmant que le RN n'avait plus rien à voir avec ses débuts.

Ce qu'il jugeait particulièrement difficile quand une partie des députés élus avaient, de manière tout à fait connue et parfois même assumée, dits des paroles racistes, sexistes, antisémites, islamophobes ou anti-LGBT, ou en ayant, très rarement heureusement, commis directement.  

Si bien qu'en sortant de cette réunion, ce 15 juillet 2024, la seule chose qu'il désirait était de retourner dans son appartement, à Garches, et cuisiner un plat qu'il aurait alors le loisir de savourer dans la soirée. À ses yeux, la réunion n'avait servi à rien, car si le RN avait effectivement retiré le soutien d'une partie de leurs candidats suite aux scandales journalistes pour dénoncer le plus souvent des publications Facebook ou sur l'ancien Twitter, ils restaient silencieux sur d'autres, beaucoup plus discrets et dont Jordan aurait pourtant jugé bon de se séparer. Hélas pour lui, le dire de manière frontale aux membres du parti concernés n'aurait fait que lui amener l'opprobre du reste du parti et accroître la méfiance à son égard.

Le presque trentenaire savait que cette méfiance venait davantage des générations plus anciennes que de la sienne, mais il ne désespérait pas d'un jour réussir à gagner la confiance de ces personnes qu'il avait tant admirés et qui l'avaient conduit sur la voie la plus loyale envers la France que celle que le Rassemblement National souhaitait instaurer à tous. Quelle plus belle preuve que son amour envers ce pays, dont tant d'autres français étaient pourtant prêts à cracher dessus entre eux ?

Toute sa rhétorique et ses désirs de solitude ne furent cependant pas suffisant pour lui éviter de croiser Gabriel Attal dans le musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt, à quelques pas d'une peinture de Jean Despujols. Il y avait d'autres curieux sur les lieux, si bien que les deux hommes se trouvaient épiés mais personne ne sortait de téléphone pour les filmer ou les photographier, ce qui était un relatif soulagement pour Jordan.

— Je croyais que vous seriez à l'une des nombreuses réunions de votre parti pour déterminer ce que vous feriez de vos... brebis galeuses, fit savoir Gabriel Attal d'un ton discret.

— Les plus importantes avaient perdu le soutien du Rassemblement National lors de l'entre-deux-tours, comme cela devrait évidemment se faire auprès de n'importe quel individu ne respectant pas les lois françaises. Cela devrait impliquer que certains de vos députés devraient quitter les rangs du camp macroniste, ne croyez-vous pas ?

— Il y a peut-être quelques loups dans notre parti, mais je pense que les vôtres suffiraient à couper le RN en deux nouveaux partis.

— Votre incompétence aurait dû justifier depuis longtemps de votre renvoi, monsieur Attal, reprit Jordan plus durement. 

— J'ai pu lire en effet tout le mal que vous pensez de moi et de mon châtaignier, rétorqua le Premier ministre, et sachez que pour l'heure mon opinion sur votre compte n'est pas plus favorable que la vôtre sur le mien... D'autant que vous n'avez prouvé votre compétence en politique nul part, seule votre capacité à dire de belles paroles ramène les jeunes électeurs dans le rang de l'extrême droite.

Pour mon pays (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant