Chapitre I : Le Retour des Souvenirs

15 3 2
                                    

Anna se réveilla en sursaut, son cœur battant dans sa poitrine, des gouttes de sueur perlant sur son front. Un instant de panique la saisit tandis qu'elle tentait de reconstituer les fragments épars de sa conscience. La chambre, immense et silencieuse, était plongée dans une obscurité oppressante, les lourds rideaux de velours barrant l'entrée de la moindre lueur de l'aube. Les contours des meubles, semblables à des spectres silencieux, se découpaient à peine dans les ténèbres. Une chaise solitaire, portant les vêtements de la veille, évoquait une sentinelle lugubre veillant sur un territoire abandonné. Chaque matin, la même pensée revenait troubler son esprit : cette demeure, jadis chaleureuse, semblait s'être transformée en une crypte glaciale et menaçante depuis la disparition de son fils, Tommy.

Six mois s'étaient écoulés depuis que le jeune garçon s'était volatilisé sans laisser de trace, laissant derrière lui une énigme insondable. Ce jour fatidique, il revenait chez lui, suivant le sentier qui longeait la lisière de la forêt des Montagnes-Vertes, cette forêt ancestrale du village de Plymouth. Les recherches frénétiques des villageois et des autorités du Vermont n'avaient produit que des échos vides, des promesses brisées qui se dissipaient comme dans un épais brouillard. L'espoir, fragile tel une flamme vacillante, s'était éteint au fil des semaines, ne laissant que le néant et le silence. Pour Anna, cette absence de réponses était un tourment plus cruel encore que la plus triste des révélations.

Une fois remise de son réveil, Anna se leva avec une lenteur presque mécanique et se dirigea vers la cuisine, chaque pas résonnant dans le silence de la maison. Elle remplit la bouilloire et la mit à chauffer, espérant qu'un thé chaud pourrait l'apaiser. Depuis la disparition de son fils, ses nuits étaient devenues des séquences de terreur, hantées par le même cauchemar oppressant : elle voyait son fils, pâle et désespéré, l'appeler depuis les sombres profondeurs de la forêt, ses cris résonnant comme un écho d'agonie.

Alors qu'elle attendait que l'eau chauffe, Anna jeta un coup d'œil au calendrier accroché au mur, ses yeux se fixant sur la date encerclée en rouge. Le sifflement strident de la bouilloire la tira brusquement de ses pensées. Une fois son thé prêt, elle s'assit lourdement à la table de la cuisine, prit une gorgée du breuvage fumant et soupira profondément. Son regard, errant dans la pièce, se posa sur une pile de papiers, des crayons et des dessins que Tommy avait réalisés durant les vacances d'été, chaque trait de crayon vibrant encore de la vie et de l'innocence qu'il avait perdue. Elle n'avait pas eu le cœur de les ranger, laissant ces fragments de son enfant éparpillés autour d'elle comme des vestiges réconfortants, des échos d'une joie disparue qui tentaient désespérément de combler le vide dévorant laissé par son absence.

Ce matin-là, un détail attira son attention. Un papier qui n'était pas là la veille, plié en quatre et glissé sous la pile. Avec des mains tremblantes, elle le prit et l'ouvrit. Ses yeux s'agrandirent de surprise en découvrant ce qui semblait être un dessin récent, fait avec les crayons de couleur posés sur la table. Le dessin représentait une scène familière : le grand chêne au bord de la forêt, là où Tommy aimait jouer pendant les chaudes journées d'été. Mais ce qui la fit frissonner, c'était la figure dessinée sous l'arbre. Un petit enfant semblait lui faire signe. Au bas du dessin, des lettres maladroites formaient les mots :

« Viens me chercher »

Anna sentit une vague de panique et de confusion la submerger. Comment ce dessin avait-il pu arriver ici ? Qui l'avait fait ? Était-ce une plaisanterie de mauvais goût ? Elle vérifia hâtivement les portes et les fenêtres, mais tout était verrouillé. Pourtant, elle en était certaine : ce dessin n'était pas là auparavant. Une terreur glaciale s'empara d'elle, et le poids oppressant de l'inexplicable transforma l'air en une substance lourde et étouffante. Les murs de la maison semblèrent se resserrer autour d'elle.

Les Murmures du PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant