Chapitre 7

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Mes couverts m'échappent des mains et manquent de briser mon assiette. Tout s'arrête de tourner autour de moi, le temps semble s'être figé. Je n'entends plus les discussions ni les tintements des couverts. Je me sens seule et prise au piège entre quatre murs qui nous enfermeraient, uniquement lui et moi. J'ai l'impression que mes cauchemars reprennent de plus belle. Mon cauchemar est là, en face de moi, debout avec ce même sourire, défiguré par cette même cicatrice, coiffé de ce même chapeau et appuyé de cette même canne à la poignée dorée qui rappelait, à quiconque le regardait, sa cupidité.

Mes mains tremblent d'avantage face à cette vision d'horreur, Arnold le remarque. Il saisit mes mains qui tremblent. Cet homme me terrorise, le frère de Jackson est mon pire cauchemar.

-Kenneth ! s'empressa de dire Jackson en prenant son grand frère dans ses bras.
- Ne m'étouffe pas, tu vas finir par me tuer, répondit Kenneth d'un air arrogant.

Sa voix me tranche l'âme et réanime des souvenirs enfouis. Je jette un regard à monsieur Dante, qui semble irrité par la présence de Kenneth.

Se connaissaient-ils ?

Mon regard se dirige maintenant vers les trois frères qui, depuis l'arrivée de Melina et Kenneth, semblent figés, comme s'ils canalisaient leur colère.

- Excusez-nous de notre retard, messieurs, dames, dit Kenneth en s'avançant vers la gigantesque table.

Je crois défaillir alors que ses iris bleus rencontrent les miens. Il me tétanise, et mon corps s'alourdit sous son regard. Il esquisse un petit sourire dont lui seul a le secret, un sourire malicieux dépourvu de bonté. Il joue avec mon rythme cardiaque en me regardant ; il me fait peur et il le sait. Face à lui, je ne suis que cette petite Irina sans défense.

J'ai peur.

La seule chaise de libre était celle entre Charlie et Arnold. Kenneth s'y assied avant de retirer son chapeau et de déposer sa canne. Arnold nous sépare, bordel, il est si près de moi. La dernière fois que je l'ai vu, c'était il y a un an... mais il n'était pas si proche de moi. Là, je peux sentir son odeur boisée qui me donne des envies de vomir.

Je me sens mal et Sarah le remarque. Elle savait ce que j'avais subi à cause de lui, c'est pour cela qu'elle tenait réellement à être présente à ces événements, et non pas pour se moquer comme je l'avais prétendu auprès d'Abby, mais je préférais ne pas y faire allusion devant elle. Elle et Wesley, le majordome, étaient les seuls au courant de la monstruosité de cet homme et de ce qu'il m'avait fait subir pendant les deux années où j'ai vécu au manoir. Quand elle me regarde, j'ai l'impression qu'elle me dit que tout ira bien et que je peux me détendre.

Je tente de réguler ma respiration quand je sens un pied me donner un léger coup. Je relève le regard et vois Seth froncer les sourcils en constatant l'état catastrophique dans lequel je suis. Il penche la tête, l'air de me demander ce qu'il se passe et pourquoi l'entrée de ce type me met dans un tel état. Je souris faiblement et secoue la tête. De sa main, il mime un geste qui signifie qu'il va m'attraper pour me parler. Je ne veux pas en parler.

-Tu vas mieux ? s'inquiète Arnold.
-Oui, merci, dis-je doucement.

Mes yeux cherchent Wesley, qui se trouve sur le pas de la porte, me regardant avec un air protecteur. Je lui souris, il ne tarde pas à me sourire en retour.

- Monsieur Dante, messieurs Collins, je vous présente mon frère, Kenneth Davis, ainsi que notre nièce Melina, fille de notre défunte sœur.

Mon cœur se contracte à l'entente de ces paroles. Je n'ai jamais été mise au courant de l'existence d'une cousine et encore moins d'une sœur.

N O  R U L E SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant