Chapitre 2

11 6 1
                                    


Chapitre 2


Marco, avant

J'ai vingt-deux ans et ma vie est complètement bouleversée depuis qu'Édith et moi faisons ménage à trois. Robin, ça on peut dire qu'il a fait un ménage considérable dans nos vies ! Il nous a même délestés d'à peu près tout ce que nous avions. Je pourrais faire une liste, longue comme le bras, de ce dont il nous a dépossédés.

Depuis qu'il est là, nous n'avons plus de temps, plus de distractions, plus de nuits complètes, plus de vie intime, plus d'amis. Bref, tout ce qui rythmait le cœur de notre existence à deux.

À la suite de notre rencontre il y a un an et demi, tout est allé très vite. C'est comme ça, les coups de foudre. Quand c'est l'évidence entre deux êtres, les décisions s'enchaînent à la vitesse de l'éclair. Au bout de trois semaines, nous vivions déjà ensemble, après trois mois nous avions le projet de faire un enfant et au bout de cinq, nous l'avons mis à exécution. Entre nous, les choses n'ont pas traîné. Il faut reconnaître que – c'est le moins qu'on puisse dire – nous connaissions le vertige, l'ivresse de la passion.

Dès le début, nos amis nous avaient mis en garde, pourtant. Je me souviens du jour de l'annonce de notre dessein multiplicateur en conciliabule au Canteen Café, un pub où nous avions nos habitudes, nos potes se sont tous montrés réticents à ce départ sur les chapeaux de roues. Les siens nous conseillaient gentiment la prudence : « N'allez pas trop vite, c'est dangereux ! », pendant que les miens nous invectivaient frontalement : « Quoi ? Un enfant ? Déjà ! Mais, vous êtes fous ? ».

Nous n'écoutions rien. Nous étions sûrs de nous aimer et de prendre la bonne décision. Nous le sentions aussi bien dans nos tripes que dans nos têtes. Nous étions prêts.

Une évidence, je vous dis !

Édith et moi, c'était pour la vie. Alors, pourquoi attendre ?

De plus, toutes les conditions étaient réunies : nous avions tous les deux un travail, nous avions un toit et surtout, nous en avions le désir ardent. Donc, au diable l'approbation de nos pairs et leur ergotage ! Nous nous sommes alors lancés avec euphorie dans cette aventure sans égale qu'est le don de la vie.

Toutefois, avant que Robin ne pointe le bout de son nez, nous avons décidé de vivre pleinement pour nous. Perspicaces sur le fait qu'après sa naissance, nous aurions beaucoup moins de distractions, nous nous sommes employés à nous délasser. Nous allions au restaurant, au théâtre, au cinéma. Nous allions danser, nous faisions la bringue entre potes, jusqu'à pas d'heure. Bref, nous profitions autant que faire se peut, l'un de l'autre, avant et pendant le grand saut.

Plus jeune, je me souviens que quelqu'un m'avait dit : « Tu verras, la naissance d'un enfant, ça change la vie ».

Tu m'étonnes...

Je savais bien que ça allait modifier nos habitudes, pas mal chambouler notre quotidien, je ne suis pas un demeuré. Seulement, je n'avais pas conscience que ce serait à ce point-là.

Un enfant, ça ne métamorphose pas vos jours. Ça les révolutionne ! Vous pouvez faire une croix sur votre passé et vous préparer à vivre des temps radicalement différents. Vous n'êtes plus seul ou à deux. Non ! Vous êtes dorénavant trois. Et celui qui vient d'apparaître, sachez qu'il va vous pomper absolument tout et devenir le nombril de votre monde.

C'est un big bang. Une nouvelle ère !

Apocalyptique...

C'est, en premier lieu, un univers peuplé de pleurs incessants. De cris suraigus à vous rendre totalement marteau, accompagnés de larmes intarissables. Vous avez l'impression que ça ne s'arrête jamais et que ça peut survenir n'importe quand. Un peu comme une catastrophe naturelle. C'est pour cette raison que j'appelle ces épisodes « une Robinson », combinaison de Robin et mousson : « tiens, c'est l'heure de la Robinson ! » je sonne cinq fois par jour et cinq fois par nuit.

Le puits du fouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant