Tic, tac. Tic, tac. Bordel, ça se tait jamais une horloge ? Sérieusement, ça me tape sur les nerfs. Impossible de se concentrer avec ce bruit. Faut dire que je suis assez irritable aujourd'hui. Impossible de fermer l'œil de la nuit après avoir vu une scène aussi macabre. Je m'étais donc levé aux aurores et j'avais foncé au travail, sans même avaler mon verre de whiskey matinal.
Arrivé au poste, j'étais surpris de voir Julien sur le coup aussi. Lui non plus n'avait pas réussi à rencontrer le marchand de sable hier soir, cet enfoiré devait être en grève. Le poste était baigné dans une lumière blafarde, le néon au-dessus de nos têtes clignotant par moments, ajoutant à l'atmosphère déjà tendue. L'odeur familière du café rance et du tabac froid emplissait l'air.
Après avoir bu le café et avoir ingéré ma dose de nicotine à l'extérieur (je veux bien ralentir la boisson, mais la clope faut pas déconner), je me mettais à faire les cents pas en essayant de dresser un tableau clair sur cette affaire. Les bruits de fond des conversations des autres agents et le bourdonnement des téléphones créaient un fond sonore constant.
« On a un tueur qui en est à sa première victime, du moins avec ce mode opératoire. Il a tué la victime d'un coup net, sans qu'elle ne souffre, et s'est acharné sur son corps avant de laisser deux cartes de tarot sur la scène de crime. » Julien me regarda en griffonnant les détails sur son carnet. Bon sang, un carnet. Plus pro que ce gars tu meurs.
Je pouvais sentir l'odeur de l'encre fraîche chaque fois que Julien tournait une page. « Je suis pas d'accord, pour moi il ne s'est pas acharné. » me dit-il, le stylo levé. « C'était méticuleux, pas fait à la va-vite. La victime ne saignait même plus quand son crâne a été ouvert. »
Je marquai une pause, réalisant que mes pensées s'embrouillaient. Julien attendait, stylo en main. « Alors quoi, il y aurait une signification derrière ? » dis-je, le sourcil levé. Puis je repris : « Tu te creuses trop la tête, il est peut-être juste maniaque. Par contre, à mon sens, la carte ne signifie qu'une chose : il va recommencer. »
Julien posa alors son stylo et me demanda : « Oui, ça me paraît plutôt clair aussi. On devrait aller voir la famille de la victime, demander si elle avait des ennemis ou quelqu'un dans son entourage qui aurait été capable d'une chose pareille. » Ah... Julien et les procédures. Il était aussi convaincu que moi que ça ne servirait à rien, mais que voulez-vous ? Les règlements ont la vie dure.
« Oui, pourquoi pas. Son quartier était équipé en caméras de surveillance ? » répondis-je, en attrapant une nouvelle tasse de café. La chaleur de la tasse était réconfortante dans ma main, contrastant avec le froid qui régnait dans le bureau.
« Apparemment non. Tu sais, c'est le quartier de la vieille ville... le plus dangereux là-bas c'est les vieux qui savent plus conduire. » Certes. En attendant, il y avait eu un meurtre brutal dans ce quartier, et une caméra ou deux nous auraient été d'une grande aide. La ville en a clairement les moyens en plus, sans déc ils se foutent de qui ? J'te jure... Enfin bon, je me ferais bien un petit gin moi.
« T'es avec moi Camille ? » me lança Julien, visiblement inquiet.
« Euh... ouais, ouais. Je réfléchissais un peu. » Je pris une gorgée de mon café noir, sentant l'amertume du breuvage me réveiller un peu plus. « Il n'y avait peut-être pas de caméras, mais qu'en est-il des témoins ? »
Julien me regarda un instant avant de vérifier son carnet. « Hmmm, c'est Dominguez qui s'occupe d'aller à la pêche aux témoins aujourd'hui. On peut aller lui demander s'il y a du nouveau. »
Je poussai un bref soupir. « Bien, allons-y dans ce cas. » Arturo Dominguez, un flic droit dans ses bottes mais qui ne m'appréciait guère, à cause de mes méthodes un poil brutales et ma légère - oui, légère - addiction à la boisson. Et puis, ça ne s'était pas arrangé à cause du fiasco de l'affaire du magasin d'Orda.
« Laisse-moi lui passer un coup de fil, je vais demander si on peut se joindre à lui. » Fais donc, Julien. De toute manière, ça passera mieux si c'est toi qui demande.
Arturo décrocha rapidement, sa voix bourrue résonnant dans le combiné. Julien expliqua la situation et demanda si nous pouvions le rejoindre. Après quelques grognements, Dominguez accepta.
Je pris une profonde inspiration, oubliant pour de bon ma furieuse envie d'éthanol. « D'accord. Commençons par parler aux proches de la victime. On va trouver qui a fait ça, et on va comprendre ce que signifient ces cartes. »
Julien se leva, prêt à partir. « C'est moi qui conduit. Même si je dois reconnaître que tu as l'air de vraiment tourner au café ce matin. » Je ne dis rien, me levant à mon tour avant de croiser du regard Marie au travers des fenêtres. « Eh ben, elle est en retard. Remarque, ça change pas de d'habitude. » dis-je, un sourire en coin. Cette femme a toujours été insensible aux affaires qu'on voit au quotidien. Toute réflexion faite, le marchand de sable semblait avoir cassé sa grève pour elle. Pour un médecin légiste, ce genre d'affaires doit avoir une saveur différente. C'est donc normal qu'elle en soit davantage détachée.
Je pris mon manteau et suivis Julien hors du bureau. L'air frais du matin me frappa le visage, un contraste bienvenu avec la chaleur étouffante du bureau. Nous montâmes dans la voiture de service, l'odeur de cuir et de désodorisant bon marché envahissant mes narines.
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Le Cartomancien
Misterio / SuspensoDans la paisible ville de Saint-Clair-sur-Seine, une série de meurtres macabres secoue la communauté. Chaque victime est retrouvée avec une carte de tarot soigneusement placée sur son corps, laissant des indices cryptiques pour les enquêteurs. Camil...