Bl- My turn

Chapitre I - Zenaya

Dans un appartement luxueux, une lueur de fin d'après-midi traversait les rideaux blancs voletants et venait recouvrir la grande pièce d'une clarté orangée. Un silence flottait, uniquement interrompus par les caresses des rideaux contre les fenêtres ouvertes.

L'espace était vide, comblé uniquement par la silhouette vague d'un homme se tenant droit, et d'un second, assis sur une chaise, jambes croisées, à quelques mètres du premier. Face à eux, un meuble, large, de la taille d'un homme, rectangulaire, verni et poncé, avec quelques gravures dorées sur les côtés.

- Qu'est-ce que je fais là ? Murmurait entre ses dents l'homme debout, qui serrait avec force le paquet de billets qu'il avait enfoncé dans ses poches dès que le second homme les lui avait donnés

Il jetait, à intervalles réguliers des coups d'œil à l'homme, ou plutôt, au jeune homme, assit à côté de lui. Ses courts cheveux blonds vénitiens, presque blancs, couvrait son front et le haut de ses oreilles, ne le laissant qu'apercevoir ses yeux clairs et calmes qui regardaient avec attention le cercueil face à eux.

Cela faisait facilement plus d'une heure qu'ils étaient là, lui-même n'arrêtait pas de bouger, ne parvenant pas à rester en place, incertains de ce qui se passerait ensuite. Il restait, uniquement parce qu'il avait été payé extrêmement cher, mais il doutait à présent et souhaitait plus que tout en finir et rentrer chez lui.

De l'autre côté, le jeune homme assis à côté de lui n'avait pas dit un mot, pas bouger un muscle, et il aurait pu croire qu'il était mort ou inerte s'il ne voyait pas ses yeux bleus cligner de temps à autres.

Soudain, il entendit un choc sourd venir du cercueil qu'ils observaient depuis maintenant plus d'une heure. Son cœur s'arrêta alors que le couvercle se fit pousser de l'intérieur et qu'un homme, au teint gris, s'y redressait.

- C'est quoi ce bordel ? S'écria-t-il en faisant un pas en arrière.

- Reste là. Lui ordonna une voix froide

Il regarda le jeune homme et croisa ses yeux gelés qui avaient, avec ennuis, glissés vers lui. Etrangement, ce regard le terrorisa davantage que le mort vivant face à lui, et ses jambes refusèrent de bouger. Il ne put que regarder, impuissant, le mort sortir de son cercueil, réajustant ses boutons de manchettes, puis relevant ses yeux vers le jeune homme assis, sans même un regard pour lui.

- A qui ais-je l'honneur ?

- Personne dont tu pourrais te rappeler. As-tu faim ? Hasarda-t-il en penchant légèrement la tête vers lui

- Quoi ? S'étonna-t-il, mais les deux hommes n'avaient pas une once d'attention pour lui, leurs yeux restaient fixés l'un sur l'autre, se jaugeant avant de faire un mouvement

- Ce genre d'encas n'est pas vraiment de mon goût.

Un rictus moqueur étira les lèvres du jeune homme, qui, après un silence, répéta :

- Mange.

Sa voix froide résonna dans le silence de la pièce et le visage du mort se durcit, ses sourcils se fronçant et son regard s'aiguisant d'une lueur agacé. Cependant, même si sa mâchoire se contractait sous une sorte de colère, son corps sembla bouger de lui-même vers lui, bien que ses yeux restèrent le plus longtemps possible sur le jeune homme.

- C'est quel genre de sort ? Grognait le mort à l'encontre du jeune homme alors que ses lèvres s'approchaient de son cou

Lui, tétanisé, ne pouvait bouger un muscle, et, impuissant, il sentit les dents du mort pénétrer sa chair et répandre en lui une chaleur brulante qui semblait faire fondre toutes ses idées. Tous ses sens s'éteignaient malgré lui, et la dernière sensation qu'il perçut fut celle des lèvres chaude et humides dans sa nuque.

Elijah s'éloigna de l'homme qu'il venait de mordre, qui tituba quelques instants avant de tomber sur ses fesses, agar. Il se saisit avec soin de son mouchoir de poche et le passa sur ses lèvres pour en essuyer le sang. En s'accrochant à ses manières, il essayait de permettre à son esprit de réfléchir, de le préparer à affronter l'inconnu dans son dos qui était parvenu, d'une façon qu'il ignorait, à le forcer à agir.

Il se tourna vers le jeune homme, dont les iris d'un bleu givré étaient déjà posés sur lui.

- Tu as du culot, d'essayer de contrôler un vampire originel, je dois bien l'admettre.

- Essayer ? Rigola-t-il

- Abandonne là et je te laisserais vivre, petit sorcier. Rétorqua Elijah

Le jeune homme se leva, lentement. De quelques pas tranquilles, il s'avança vers lui, ses yeux clairs braqués sur lui, emplis d'un mélange de confiance et de moquerie qui se mariait parfaitement avec le petit rictus sur ses lèvres.

Il s'arrêta à quelques centimètres de lui, le regardant toujours. Il n'avait ni besoin de baisser, ni de lever les yeux, ils étaient à peu près à la même hauteur, mais tous deux posaient un regard condescendant sur l'autre.

Il prit son poignet tout en continuant de le regarder et, après quelques secondes, il se dégagea et empoigna fermement l'avant-bras du sorcier, enfonçant ses ongles dans sa chair. Si le jeune homme face à lui essaya tant bien que mal de dissimuler une furtive grimace de douleur, lui, ne put cacher sa surprise en sentant une douleur vive dans son propre avant-bras.

Ses yeux se baissèrent rapidement vers la zone douloureuse qui, étrangement, ne se soignait pas d'elle-même.

- Tu ferais mieux de me lâcher, pour notre bien à tous les deux.

- Qu'est-ce que tu m'as fait ? Grogna-t-il en desserrant - mais gardant - son emprise sur le bras du jeune homme

Le sorcier face à lui affichait un sourire amusé.

- C'est un secret. Retiens seulement ceci, si je te donne un ordre, tu obéis et si je meurs, tu meurs avec moi.

- C'est impossible, je suis un vampire originel. Continua-t-il de grogner

- Allons, depuis le temps que tu vis, tu devrais savoir que rien n'est impossible.

- Tu es mort à l'instant où je ferais tomber ce sort.

Il sourit.

- Que de belles paroles, mais, pour le moment, tu es un peu ma chienne. J'ai presque envie de te faire aboyer. Rigola le jeune homme en tournant le dos au vampire qui utilisait toute sa concentration pour se retenir de briser d'une main la nuque fine, sans défense, face à lui.