3 - Cette personne

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My Immortal - Evanescence

Elle détestait se plaindre, même lorsqu'elle était au fond du gouffre elle préférait tout garder pour elle. Elle ne voulait pas demander de l'aide. Elle refusait formellement. Pourtant ce n'était pas comme si elle n'avait pas un entourage conséquent. Certains savaient qu'elle n'allait pas bien mais au fond qui savait réellement ce qu'elle ressentait ? Qui pouvait s'en inquiéter ne serait-ce qu'un peu ? Une personne. Juste une personne comprenait ce qu'elle ressentait.

Elle le voyait peu importe les efforts d'Elya pour le cacher. Un cerne plus violet que la veille. Cette manie de vérifier toutes les secondes si les manches de son pull ne descendaient pas trop. Un message trop froid pour n'être que la fatigue. La puissance de ses câlins lorsqu'elle lui disait bonjour. Son sourire forcé à chaque instant. Les conversations courtes. Son sommeil inexistant la nuit comparée à la journée où il était présent. La musique plus forte qu'à son habitude. Les écouteurs à chaque instant afin de n'entendre personne.

Comme un automatisme elle faisait des vidéos ou elle chantait. L'expression de son visage montrait le désespoir qu'elle endurait. Pourtant chaque musique était choisie avec soin. Une possibilité de montrer une part d'espoir dans ce chaos. Chanter ces musiques comme si elle allait bien en essayant de cacher la douleur qu'elle venait de marquer sur son corps. Le même moment, chaque jour, chaque soir. La douche était devenue sa pire ennemie. Néanmoins ressentir l'eau brulante couler sur son corps jusqu'à finir sur le sol l'apaisait. Ses larmes mélangées à l'eau. La solitude de la pièce. Le raisonnement de la musique. La buée qui l'empêchait de voir le reflet de ces marques dessinées dans sa chair et faisant couler son sang qui glissait le long de son corps au rythme de l'eau chaude et celle de la veille, à peine cicatrisée. Un endroit de paix pour elle. Loin de tous ses problèmes. Loin de la lassitude qu'elle éprouvait à l'idée de faire quelque chose.

Elya pensait savoir comment cacher ce qu'elle subissait sans se douter que d'autres ressentaient ce mal être. Beaucoup le voyaient mais personne n'agissait. Encaissant les remarques incessantes de ceux qui devaient être présents dans ce tourbillon de malheur. Des "tu ne fais pas d'effort" mais surtout recevoir des "tu en fais beaucoup trop". Des réflexions qui sans le savoir étaient devenues des coups de poignard dans son cœur. Son cœur qui saignait, à l'image de son corps, déjà à flot.

Recevoir un "ça va ?" pour elle était un enfer. Un enchainement de questions sans réponse venait s'inviter dans sa tête. D'autant plus quand il s'agit de cette personne. Elle savait qu'en recevoir un était synonyme de " je sais que ça ne va pas mais je ne le dirai pas de façon explicites." Une grande inspiration se prenait dans ce moment. Une réflexion basée sur le oui ça va ou le non ça ne va pas. Une simple hésitation lui faisait dire oui. C'était ce moment qui lui montrait qu'elle savait. Une simple réponse de sa part "tu es sûre ?". Le voir s'afficher sur son téléphone faisait battre son cœur à une vitesse qu'elle ne pouvait contrôler. Elle savait que c'était trop tard. Elle aurait dû jouer la comédie. Encore mieux qu'elle ne le faisait déjà. Elya ne se doutait pas une seule seconde que si elle disait oui cette personne la laisserait. Elle ne la forcerait jamais. Elle attendait uniquement le moment venu car elle comprenait qu'elle ne tenait jamais longtemps. Mentir à la seule amie qui se préoccupait sincèrement d'elle. Plutôt en mourir.

Elya savait que Mina s'inquiétait pour elle et c'est pour ça qu'elle ne le lui avait jamais caché. Elle voyait son état se dégrader et ne savait pas quoi faire. Elle avait déjà tenté des milliers de choses pour l'aider. En vain. La voir sombrer était une torture pour elle. Elle se sentait si impuissante que même lui ramener la lune ne suffirait pas. Savoir qu'elle allait mal sans réussir à la faire parler la laissait dans une détresse des plus totale. Comment pouvait-elle ne rien lui dire ?  Elle savait tout. Depuis la première journée de sa vie. Chaque nouvelle trace sur son corps, elle le savait. Elles avaient même créé un code pour se dire quand elles avaient envie de se faire du mal. Un emoji. Une ligne rouge sur un graphique. Anodin pour certains mais si grand pour elles.

Elya, elle, préférait par moment cacher ce mal-être afin de ne pas l'encombrer avec ça. Elle s'excusait souvent de lui parler de ses problèmes sans savoir que c'était rassurant pour cette dernière. Elle ne l'embêtait jamais et si elle le savait par moment, elle préférait l'éviter.

Des moments de joies venaient s'entremêler mais jamais bien longtemps. Un nouvel espoir naissait dans ce moment mais toutes deux savaient que la chute serait bien plus douloureuse que la précédente. Une peur bleue entrait en elles. La peur de flancher pour elle. La peur de n'avoir pas été suffisante et de perdre son amie pour l'autre.

Elle savait tout. Une journée un peu trop chargé, elle avait un résumé. Un regard avec son premier amour, elle le savait dans la foulée. Elle se faisait du mal, elle le savait dès qu'elle avait repris ses émotions. Un moment de rire, elle lui disait. Un nouveau haut, une photo s'imposait. Une nouvelle musique, elle la recevait avant même qu'elle ne soit finie. Un texte fait pour une personne, son avis comptait avant tout. Elle était en tort, elle la défendait coûte que coûte. Un comportement inapproprié, jamais elle ne la jugeait. Une histoire entre copine, elle demandait des conseils.

Elle ne l'avait jamais repris sur sa façon d'agir. Des conseils. Voilà tout ce qu'elle pouvait lui donner. Ainsi que du soutien. L'épaule sur laquelle elle pouvait s'appuyer à n'importe quel moment. Peu importe le jour et l'heure. Des milliers de conseils lui tournaient autour. Elle devait en choisir un. C'était la solution. Cependant choisir entre allez voir un psychologue et écrire dans ses notes, la question était tout de même vite réglée. Le psychologue l'aurait écouté et aidé à avancer mais cela lui aurait coûté beaucoup trop cher. Elle ne pouvait pas se le permettre. Écrire en revanche, c'était une idée qui lui plaisait. Mina voulait voir si son état s'améliorait ou s'il se détériorait.

Elle avait toujours aimé écrire et exprimer ce qu'elle ressentait. Des textes à sa mère elle en avait fait. Pour lui également. Pouvoir faire ça lors de ses crises était une vraie libération. Elle n'y avait jamais songé. Pourtant lorsqu'elle sortait son téléphone, branchait ses écouteurs et mettait ses musiques préférées rien ne pouvait l'arrêter.

Elle recevait des compliments sur son style d'écriture mais jamais elle n'avait cru en ses capacités. Des textes sortis tout droit ses notes. Des milliers de sujets possibles. Son amour pour lui. Ses problèmes familiaux. Ses textes pour l'école. Une routine qu'elle avait installé après la douche. Ecrire encore et encore.

Ce jour-là, elle venait de faire une crise et avait écrit une longue page sur son état. Elle savait que personne ne lirait cela, cependant, c'était un échappatoire pour elle, un moyen de dissimuler ses larmes. Les transformer en encre. Néanmoins, cette fois-ci, elle n'avait pas parlé que de sa crise mais de absolument tout. Tout ce qu'elle gardait au fond d'elle. Depuis tant d'années. Il semblait pourtant que cela ne l'avait pas aidée. Lorsqu'elle écrivait, elle n'avait pas vraiment de début logique, ni de suite logique. Cependant, cette fois, tout semblait se coordonner.

Comme si elle avait pour but de le faire lire.

et si cela arrivait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant