Prologue : Tatakae...

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Les autres n'y voyaient rien d'autre que l'ascension, aussi classique que fulgurante, d'un homme qui ne venait de rien, qui n'était doué en rien, qui avait quitté l'école précipitamment, qui n'avançait nulle part et le faisait difficilement. Un homme qui n'avait auparavant aucun avenir, avant de se frayer un chemin avec violence pour devenir une étoile montante du monde de la boxe, morte quelques secondes après sa naissance.

En somme, quelqu'un qu'on oubliera rapidement.

Il y avait beaucoup de ce genre d'homme dans le monde, les histoires pullulent à foison dans les recoins de ces espaces parfois étriqués et méconnus, ou parfois larges et renommés, que sont les salles d'entraînements. Dans le sombre de ces endroits, une fois la lumière éteinte, lorsque le bleu de la nuit colorait les murs, qu'il ne restait que les quelques gouttes d'un robinet mal fermé pour habiller le silence. Lorsque le temps s'acharnait à avancer de minutes en minutes, régulièrement, sans pour autant que rien ne bouge, on ne pouvait pas s'imaginer qu'il y ait une vie à la fin du combat. On ne pouvait que deviner les remous de souffrances invisibles et insensibles entre les cabinets de douches et les vestiaires. Il y avait plus qu'une triste mélancolie, et c'était toujours un sentiment suspendu, aérien, mais aussi fluide qu'une respiration qui demeurait là. En se cachant naturellement entre le peu de lumière qui filtrait, les espoirs et les émotions les plus pures et propres à soi, ceux qui faisaient de chacun un être aussi particulier que banal, restaient enfermé dans l'obscurité que le public ne voit pas. Parce que le spectacle ne se terminait pas là, et qu'entre joies, déceptions, désirs assouvis, naissances de nouveaux espoirs, ou problèmes de vie hors de l'endurance de l'exercice physique, le combat continuait encore longtemps après.

Quel que soit le type d'entraînement, à la piscine, au manège, au dôjô, sur le ring ou sur le grand terrain, il y en avait toujours, des hommes ou des femmes portant sûrement une histoire aussi commune que celle de Izuku Midoriya.

Aux yeux de Katsuki Bakugou, c'était pourtant différent.

Lui qui s'occupait de nettoyer après le passage en soupirant lourdement, lui qui entrait d'un pas lourd pour constater que les toilettes étaient à nouveau défectueuses, lui qui ramassait les objets abandonnés là pour les replacer au bon endroit, lui qui frottait en râlant la salle de boxe la plus miteuse de la ville. Lui qui finalement était le seul à connaître cet endroit après le combat, en était vite venu à voir en Izuku Midoriya un fouilli intense de quelque chose qui lui nouait la gorge.

Tatakae, c'est-à-dire, Bats toi !

Katsuki comprenait sa mélancolie, c'était comme une douce brume qui enveloppait l'âme, une caresse légère mais persistante qui lui teintait chaque pensée d'une nuance de gris. Il avait crû que ce sentiment de douce tristesse, où chaque sourire est empreint d'une légère amertume, n'était que de la mélancolie de la part de Izuku, sans comprendre qu'elle venait en réalité de lui.

Depuis quelques semaines, Katsuki Bakugou est mélancolique dans chacun de ses gestes pour lui.

Ce n'était pas forcément mauvais, car elle se manifestait surtout dans une tendresse silencieuse à son égard, et contre toute apparence, Izuku l'avait déjà senti auparavant. Derrière la rudesse de ses critiques et de ses manières, c'était déjà comme cela avec lui avant. La mélancolie, c'est un état d'âme où l'on se perd dans les méandres de ses pensées, où le passé et le présent se mêlent dans une danse lente et nostalgique, pour rappeler que, même dans la tristesse, il y a une forme de beauté à chérir.

Katsuki pouvait souvent se montrer mélancolique dans chacun de ses gestes, avait remarqué Izuku bien avant le concerné.

Dans sa manière de pencher la tête sur le côté quand il entendait un boxeur pleurer dans les douches, en fermant les yeux et en se tenant derrière la porte. Dans sa manière de lever intensément les yeux vers lui, dans le sourire discret et moqueur qu'il affichait lorsque All Might lui parlait en secouant le visage, en croulant sous le poids des problèmes du quotidien. Il savait se montrer mélancolique car il était une sorte d'ombre étrangement imposante dans cet environnement, et qu'il connaissait l'avant, le pendant et l'après de beaucoup d'inscrit dans cette salle.

Seulement Izuku ne s'était jamais fait la remarque que c'était le souvenir d'un été passé, où le soleil brillait plus fort et les rires résonnaient plus joyeusement, mais qui semble désormais aussi hors de portée qu'un rêve évanescent, qui s'invitait souvent et sans prévenir dans son esprit. Car Deku est un surnom qui a résonné tellement fort au plus profond de lui, que c'était comme une mélodie silencieuse maintenant.

C'est le premier qu'il avait vraiment suivi dans ce chemin compliqué, il est allé si vite, si loin, que la chute l'avait marqué, alors ce n'était que maintenant que Katsuki sentait la nostalgie le prendre. Il ne savait pas ce qu'il en était de Deku mais, même s'il était impossible de donner une suite à leur vie, Katsuki refusait d'abandonner.

La boxe, ça aura été à un moment de leur vie une planche de salut, elle les aura fait vivre, et il ne veut pas qu'elle les fasse mourir.

Alors même s'il est d'une nature rabougrie dont la tendresse ne paraît qu'à travers une certaine forme de mélancolie, Katsuki avait un sens certain du combat. Il ne pouvait pas laisser la flamme s'éteindre dans les yeux verts de Izuku sous les vagues des épreuves du combat.

Il le lui répétait intensément, inlassablement.

Tatakae... Bats-toi ! 

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 28 ⏰

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