Je pense que ceux qui ont le plus peur de tomber de haut sont ceux qui ont un nœud coulissant autour du cou.
Luna
Mon ventre proteste contre le vide dans mon estomac. Comme je m'y attendais, maman a retiré toute nourriture solide de l'appartement, mise à part les fruits. Alors pour calmer ma faim d'un repas consistant, je me prépare un thé à la menthe sans sucre. Dans un mouvement lent et fatigué, je me dirige vers le salon dans le but de réviser mes cours. Même ça, je n'y trouve plus d'intérêt. J'aime étudier. Enfin j'aimais ça puisqu'à ce moment précis, je ne comprends pas à quoi me servira ce diplôme si je ne peux pas sortir de cet appartement, si je suis condamnée à servir d'objet pour les clients de ma mère.
Pitié, que ma vie s'achève sur le champ. Je ne sers à rien sur cette planète si ce n'est à combler les désirs les plus obscènes d'hommes aux mœurs douteuses.
Lasse. Voilà ce que je suis. Et faible. Parce que je suis incapable de mettre fin à cette existence dépouillée d'humanité.
Mes cheveux se balancent autour de moi, ils me narguent de leur vitalité dont je suis dépossédée. Je les hais autant que je me hais. Cette tignasse d'or qui enrichit ma mère de jeunesse alors que la mienne s'amenuise dans les méandres des horreurs.
Un souffle agonisant s'échappe de ma bouche alors que les sons obsédants d'il y a deux nuits me hurlent dans les oreilles. Je n'y arrive plus, je dois mettre fin à tout ça. Si maman refuse de m'accorder plus de liberté alors je dois me l'offrir, mais de manière définitive. Arrêter de craindre l'inconnu de la mort et en accueillir les bienfaits. La paix. Mais pas avant d'avoir observé les illuminations.
C'est décidé, dans trois mois, je sortirai de cet appartement, me rendrai aux illuminations puis je trouverai une solution pour fêter mes dix-huit de la plus douce des manières, en accueillant la mort.
Un regain d'énergie déniché des abysses de mes carences, cette idée m'insuffle un peu de lumière au cœur de mon obscurité permanente.
Seul obstacle à ce nouvel objectif ? Sortir de ces quatre murs. Tout est contrôlé de manière technologique, je ne peux même pas ouvrir les fenêtres, alors comment parvenir à m'en extirper ? C'est quasiment mission impossible, néanmoins, il me reste un peu moins de trois mois pour trouver, je suis une fille intelligente, je devrais y arriver. Il suffit que je réfléchisse de la bonne manière. Ce n'est pas comme si j'avais autre chose à faire de toute manière.
Peut-être espionner ma mère lors de ses départs, où lui voler son téléphone pour vérifier que des informations concernant le code de la porte ne s'y trouve pas. Il faut que j'actionne mes méninges, il doit y avoir une solution réalisable pour mettre un pied dehors.
Quand on y pense, c'est assez fou que je n'ai jamais essayé de partir d'ici auparavant. Si je n'y avais encore jamais songé, c'est tout simplement parce que ma confiance en ma mère était forte, trop forte et que je la croyais quand elle insinuait que j'allais grandir et voler de mes propres ailes. Il m'a fallu du temps pour comprendre que ça n'arrivera pas et qu'au contraire, elle entreprendra tout ce qui est en son pouvoir pour me garder enfermée ici.
Je me réinstalle confortablement sur le canapé en compagnie de mon thé et de mon exam de philo à remplir, mais mon esprit est tourné vers cette porte qui me sépare du monde extérieur. Comment pourrais-je l'ouvrir ?
Même si je n'ai jamais essayé de partir d'ici, j'ai souvent observé maman en imaginant ce que ça faisait d'être libre, de comment je pourrais m'y prendre pour la suivre sans qu'elle s'en rende compte. Elle pénètre chez nous grâce à un code qu'elle tape sur un clavier numérique. C'est le même pour entrer et sortir, je le sais parce que chaque numéro à un son et la mélodie est identique quand elle revient et quand elle repart.
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Fleur aux pétales d'or
RomanceEnfermée dans le dernier appartement de la plus haute tour de la ville, Luna vit un enfer. Enfin vivre... si c'est ça, vivre, alors autant mourir, ça ne peut pas être pire. Mais pas avant d'avoir vu les illuminations estivales, ces lumières envahis...