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Aujourd'hui, j'ai appris qu'une personne que je connaissais plus jeune est morte. Elle s'est suicidée d'une balle dans la tête.

Moi, je crains de mourir. Ça me terrorise. Quand j'y pense, mon corps se crispe, mon cœur s'emballe. J'ai mal au cœur et tout ce que je souhaite, c'est m'allonger et dormir.

Je m'appelle Amanda et je ne sais pas écrire, mais je peux le faire et tenter d'approcher au plus près de mes sentiments et vulnérabilités pour essayer de vous toucher et me sentir immortelle.

J'écris pendant une journée extrêmement chaude, le 1er août 2024. Le soleil brûle et l'air est lourd, presque étouffant. Je ne fais rien de spécial. J'attends un enfant depuis maintenant trois mois et demi. Cela me rend malade et me fatigue. La grossesse n'a rien de tendre. C'est un mélange étrange de fatigue constante et de cette lourdeur qui s'installe dans mon ventre, me rappelant à chaque instant que je porte une vie en moi. Parfois, cela me terrifie encore plus que la mort. Que vais-je offrir à cet enfant ? Que deviendra-t-il dans ce monde si incertain et souvent difficile ?

Je suis déjà agacée d'écrire, pour tout dire. Ça fait un moment maintenant que mon cerveau est tout flou, que je n'arrive pas à « lire » quoi que ce soit de clair en moi. J'ai du mal à me laisser aller, à laisser aller l'expérimentation. C'est quelque chose qui part facilement, je trouve ; le lâcher-prise, la soif d'apprendre et d'essayer, la curiosité. Tout devient impressionnant et énergivore dès lors qu'il faut en parallèle gagner sa vie, s'assurer un quotidien heureux et faire attention à ses huit heures de sommeil journalières. J'envie parfois ceux qui semblent naviguer dans la vie avec tant de légèreté, comme si tout était simple pour eux.

En repensant à mes années d'étudiante et de lycéenne, je me souviens à quel point j'avais des rêves plein la tête. Je me persuadais que j'étais exceptionnelle, différente, singulière. J'avais trouvé des recoins où me cacher et briller, car j'y étais seule : personne ne les explorait aussi intensément à mon âge, du moins c'est ce dont j'avais l'impression. Je passais des heures dans la bibliothèque, à explorer des livres obscurs ou à dessiner des œuvres étranges que personne ne voyait. Les pages de mes cahiers étaient remplies de dessins aux lignes répétitives, reflétant mes états d'âme et mes pensées les plus intimes.

J'étais juste extrêmement seule. La colère, la tristesse, le sentiment de solitude, l'incompréhension, le désir profond d'échapper à toutes les cases s'étaient emparés tellement fort de moi que je m'étais enfermée au fond de moi-même, en sécurité, sans risque de comparaison.

Quelle désillusion de se rendre compte qu'on souhaite réaliser ses rêves simplement parmi d'autres, en espérant avoir une petite place bien confortable logée dans le regard du monde. Le choc de cette réalité est encore plus dur lorsque l'on découvre que tant d'autres partagent les mêmes aspirations.

J'étais plutôt malheureuse mais aussi profondément heureuse. Disons que je m'accomplissais dans mon tout petit coin : ma famille, mon prof d'arts plastiques, les différents jurés de concours aux écoles d'arts, mes camarades, tout le monde semblait admirer ma singularité que je parvenais à transmettre dans le dessin. J'étais la reine de mon monde. Je me mettais à exister, à travers chaque trait de crayon, chaque coup de pinceau.

AmandaWhere stories live. Discover now