Chapitre 1

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Un an qu'ils étaient morts, un an que j'étais morte. Un an aujourd'hui qu'ils avaient rendu leur dernier souffle. Un an que la solitude grignotait mon corps de l'intérieur. Un an qu'aucune vérité n'avait franchi la barrière hermétique de mes lèvres. Le mensonge avait pris le pas sur la sincérité que je chérissais tant. Pourquoi avais-je survécu ? Pourquoi avais-je survécu, et pas eux ? Ils le méritaient tant. Leur bonheur aurait outrepassé le mien, par ailleurs inexistant. Mon affliction remontait à une dizaine d'années, bien avant de les perdre. Mais à présent que mon unique source de joie avait disparu, je n'avais plus rien à faire dans ce monde.

Je laissais mes pensées divaguer et mes pas me porter en bordure de la falaise. Les vagues s'agitaient, témoignant d'un désir d'échapper à leur destinée funeste et regrettant leur mort prochaine sur les écueils. Elles me ressemblaient, moi qui cherchais désespérément à fuir ma propre vie. Mais la conclusion demeurait identique, pour elles comme pour moi : notre quête relevait de l'impossible.

Cet endroit faisait partie des lieux qui m'avaient marquée en profondeur ; nous avions l'habitude de nous y promener, contemplant la prestance de la mer dont l'écume se brisait sur les rochers en contrebas, admirant les nuances orangées du soleil qui déteignait à l'horizon. Mon dos se logea par réflexe contre le tronc du cerisier, me plaçant face à la mer. J'embrassai du regard l'étoile céleste s'échouant dans l'horizon lointain de l'océan.

Une larme, une seule, roula le long de ma joue et atterrit sur la racine du cerisier. Une brise inattendue caressa mon visage. Je sentais les paumes calleuses de mes parents m'assurer que tout irait mieux, déposant des spectres de baisers sur mes tempes. Malgré leur promesse muette, je ne pouvais y croire, je n'aspirais pas à un futur meilleur. Les proverbes affirmaient que toute blessure guérissait avec le temps, mais jusqu'ici, ma peine n'avait qu'empiré, s'infectant chaque jour un peu plus.

Le souffle du vent se raffermit et je resserrai les pans de mon manteau sur mon corps frigorifié. Les journées de février laissaient transparaître la lumière opaline du soleil, mais la chaleur rechignait à prodiguer son réconfort. La bourrasque s'amplifia et mon cœur asséché palpita. Les ombres des rares oiseaux affrontant ce temps s'élancèrent dans le ciel sans plus attendre. Une tempête aussi destructrice que celle de l'an passé prenait-elle forme ?

J'avais tort.

Un cyclone naquit et m'entoura avant que j'aie pu esquisser le moindre mouvement. Je me sentis aspirée. Un hurlement m'échappa, tant d'effroi que de stupéfaction. Je tourbillonnais dans tous les sens, incontrôlable. Les rafales dévastatrices drainaient ma salive et fouettaient mon visage avec violence. J'abandonnai ma lutte contre le phénomène météorologique, relâchant mon corps et espérant presque les rejoindre. Mon amertume submergea tout sentiment ; la Mort emportait ma vie avec si peu d'originalité, utilisant une catastrophe naturelle pour m'éliminer, comme pour mes parents.

Finalement, pour mon plus grand regret, le cyclone s'évapora et je m'écrasai contre le sol. Très mou pour de la terre. J'en vins à m'interroger sur ma présence dans le monde des morts, lorsque l'herbe se mut sous moi. Je roulai plus loin, dévalant une pente, étourdie et la tête emplie de questions sans réponses. Allongée face au ciel et aux nuages roses, je souris pour la première fois depuis un an. J'allais pouvoir étreindre mes parents. Ces nuages cotonneux ne pouvaient signifier que ma mort, n'est-ce pas ? Mais alors, pourquoi ressentais-je toujours la souffrance physique causée par ma chute ? Déroutée et prise de nausées, je me levai par étapes, procédant de la même manière que cette nuit fatidique.

Observant le paysage autour de moi, j'essayai de comprendre ce que je venais de vivre. Une falaise s'étirait à mes pieds, la mer s'étendait à l'horizon et le soleil s'évanouissait au loin.

Le Royaume d'Atalia - PriméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant